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Wallonie : villes pauvres et riches banlieues

A un an des élections communales, le ministre wallon Paul Furlan (PS) veut donner un coup d’accélérateur à la réflexion sur le rôle des villes qui courent à la catastrophe. Il prône la collaboration entre les communes, à l’intérieur de « bassins de vie » qui restent encore à définir.

Le modèle actuel du découpage communal est source d’inégalité. En Belgique, en effet, les villes assument des missions essentielles (enseignement, culture, commerce, tourisme, logement…), ce sont elles aussi qui recueillent les plus défavorisés, mais elles assistent, impuissantes, à la fuite de la richesse qu’elles produisent vers la « ceinture verte », les communes périphériques qu’enrichissent les mieux nantis qui s’y installent et y paient leurs impôts. « Il faut consacrer le rôle central de la ville, affirme Paul Furlan, ministre des Pouvoirs locaux et – c’est une première – de la Ville. Même si certains politiques ne sont pas encore prêts à l’entendre, je pense qu’il faut instaurer une solidarité entre les communes, combattre l’égoïsme, aménager le sacro-saint principe de l’autonomie communale, ou, mieux encore, instaurer une autonomie pluricommunale qui prendra en compte les moyens et les besoins de toute la population d’un territoire que je nommerais bassin de vie. »

Le Nimby économique

Depuis l’application du plan Marshall, il n’existe plus, pour les pouvoirs locaux, de fiscalité sur les entreprises. Cela a pour conséquence que de nombreuses communes, faute de cet incitant financier, n’en veulent plus sur leur territoire, ou alors en périphérie. On est en plein phénomène Nimby. Mais les entreprises, elles, préfèrent s’installer près des villes, pour profiter de leur rayonnement et de leurs moyens de communication. La richesse est ainsi créée dans la ville, mais par contre, une bonne partie de l’impôt sera perçue dans les communes de la ceinture verte, qui ont refusé l’installation de l’entreprise, mais où les personnes qui disposent des revenus les plus confortables préfèrent habiter. C’est exactement ce dont se plaint Bruxelles, où des dizaines de milliers de gens viennent travailler et profiter de ce qu’offre la ville, puis retournent le soir dans leurs riches communes brabançonnes, où ils paient leurs impôts, et auxquelles ils ne demandent rien d’autre que sécurité et tranquillité.

« Ce n’est pas forcément vrai de prétendre qu’une commune qui affiche des bonis est une commune bien gérée, s’insurge Paul Furlan, et à l’inverse que celle qui est en déficit le doit à de mauvais gestionnaires. La situation de la Wallonie est ainsi à l’opposé de celle de la France, où ce sont les villes qui sont cossues et les banlieues pauvres, parce qu’on y a relégué les barres HLM, les déshérités et les immigrés. Chez nous, ce sont les villes qui attirent les plus démunis, tandis que les nantis préfèrent la périphérie… »

La pauvreté concentrée

De même, le logement social, en Wallonie, est concentré dans les villes, où il ne joue plus son rôle de « logement public », de source de mixité sociale pour des gens qui travaillent, pour intégrer des communautés différentes. Ces dernières années en effet, on a tout objectivé, et les logements sont attribués à ceux qui ont « réuni le plus de points », en fonction principalement de la faiblesse de leurs revenus. On a créé des ghettos. « Tout concourt donc à ce que la pauvreté soit réunie au même endroit, dans la ville, et il n’y a pas de réelle redistribution effectuée par les autres pouvoirs publics. »

La solution ? Une nouvelle fusion de communes, qui est aujourd’hui une tendance lourde européenne, n’est pas à l’ordre du jour, explique Paul Furlan, qui préfère envisager une collaboration entre les communes, à l’intérieur de ces « bassins de vie » qui restent à définir, mais qui auraient une taille suffisante pour faire face aux différentes missions. « De toute façon, on y est obligé, ajoute-t-il. Si on ne fait rien, les villes courent à la catastrophe et vont s’écrouler. Et si les villes s’écroulent, les communes de la ceinture verte aussi ! Une Wallonie à deux vitesses des villes pauvres, mais qui sont le moteur économique, et de leurs banlieues riches n’est pas tenable. »

La méthode ? Plutôt que de créer un super-ministère de la Ville, une administration qui pourrait imposer son point de vue en matière de logement, d’énergie, d’emploi, d’économie ou d’urbanisme, Paul Furlan propose la création d’un comité interministériel dans lequel chaque ministre, pour la compétence qui est la sienne, réfléchirait à l’organisation la plus adéquate, sur le territoire le plus pertinent. « C’est ma vision personnelle après deux ans de présence au gouvernement, explique-t-il. Il faut pouvoir oser une réflexion, en prenant la mesure de la crise économique mondiale et des prévisibles transferts de compétences, qui auront des conséquences : les pouvoirs locaux ne sont pas une île déserte au milieu d’un océan démonté. Il leur faudra participer à l’effort général. Mais déjà, les autres pouvoirs leur en imposent de plus en plus, en matière de sécurité par exemple, tandis que dans le même temps il y a une demande de plus en plus importante de la part des citoyens en matière de sport, de crèches, de culture, de logement… La commune n’est plus un simple poseur d’égouts. »

Michel Delwiche

Un colloque « Bassin de ville, bassin de vie » se tiendra les 6 et 7 octobre prochains à Charleroi.

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