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Wallonie : la vérité des chiffres

Michel Delwiche
Michel Delwiche Journaliste

« Une Wallonie en pleine relance ? » C’est le titre, point d’interrogation compris, d’une récente étude de la KBC qui constate que certains indicateurs sont meilleurs au sud qu’au nord du pays. Mais ce n’est pas demain que le retard sera rattrapé, analyse Vincent Reuter, l’administrateur délégué de l’UWE.

Selon une étude de la KBC présentée début juillet, la Wallonie s’en sort mieux que la Flandre depuis une dizaine d’années : plus forte croissance du PIB régional (1,6 % par an contre 1,5 %), ou taux de chômage en hausse plus faible. Explication : un réel redressement de la politique industrielle wallonne, un coup d’arrêt à 40 années de marasme, mais également une décélération flamande. La KBC pointe par contre la persistance du chômage en Wallonie, la faiblesse des exportations, ou les résultats perfectibles dans l’enseignement. Vincent Reuter, administrateur délégué de l’Union wallonne des entreprises et nouveau président du Conseil économique et social de Wallonie, place lui-aussi l’enseignement au premier rang des préoccupations.

Le Vif/L’Express : Quels sont les cinq points noirs de la Wallonie?

Vincent Reuter : L’enseignement en tout premier, puis le climat social, le taux de chômage, le coût du travail et la politique énergétique avec laquelle la Wallonie est en train de se tirer une balle dans le pied. L’électricité est déjà 10 % plus chère en Wallonie qu’en Flandre, ce dont les consommateurs se rendront compte à la réception de la facture de régularisation, et cela va douiller pour les ménages comme pour les entreprises. Sur le plan social, le nombre de grèves reste trop important, y compris dans les services publics.

Et l’enseignement ! En Wallonie, 15 % des jeunes sortent du secondaire sans diplôme. Le maximum fixé par l’Europe est de 9 %, la Flandre y est. Les enquêtes Pisa, qui évaluent la connaissance de la langue maternelle, le calcul ou les sciences, nous classent plutôt mal. On peut critiquer ce genre de travail – et en Wallonie on ne s’en prive pas – il n’empêche que ce n’est pas glorieux. L’enseignement, jusqu’ici, n’a jamais été une affaire de gouvernement. On a dit au ministre de se débrouiller tout seul. Le plan Horizon 2022, qui doit recentrer les objectifs et les moyens du Plan Marshall 2.vert, devrait enfin y remédier, espérons-le. Mais on a perdu des années.

Le chômage a augmenté de 1,5 % en juin 2013 par rapport à juin 2012. Et le chômage des 25-30 ans, de 6,6 %. Une génération sacrifiée, comme en Espagne ?

Je pense que ce n’est pas inévitable. Les stages de transition, par exemple, qui doivent permettre à un jeune demandeur d’emploi d’avoir accès à la formation en alternance, en entreprise, tout comme les étudiants, sont une bonne mesure. C’est vrai que depuis le début de la crise, le chômage a proportionnellement moins augmenté en Wallonie, mais attention à l’illusion des pourcentages: selon les normes du Bureau du plan (les chômeurs officiels + les chômeurs âgés non-demandeurs d’emploi, y compris donc les prépensionnés), le taux de chômage est de 8,7 % en Flandre pour 16,9 % en Wallonie (et 20 % à Bruxelles). Le taux wallon est près du double du flamand et, enseignement encore, la moitié des demandeurs d’emploi en Wallonie n’ont pas de diplôme du secondaire. On peut se réjouir de voir que l’évolution de la situation wallonne est plus favorable, mais il ne faut pas perdre de vue les vrais chiffres, ni oublier que les variations du taux wallon ont été lissées principalement grâce à une plus forte proportion d’emplois publics.

Les finances publiques, n’est-ce pas la grande crainte ? Selon le Bureau du plan, qui intègre les comptes de la Sofico (entretien des infrastructures), la Wallonie n’arriverait à l’équilibre qu’en 2018.

Cette année-là, la Flandre mettra 1,2 milliard d’euros de côté.
Quelle est la réalité? Si on supprime les transferts, la Wallonie ne peut plus payer ses besoins collectifs. Elle n’a même pas encore commencé à faire face au vieillissement. Le déclin, c’est une lente érosion, peu visible. Rénovation des infrastructures? Lutte contre la pauvreté? La Wallonie n’y arrive déjà pas. Alors, quand s’ajoutera la charge de la réforme de l’Etat… La Flandre veut évidemment conserver cet excédent budgétaire chronique qui la met en position de force, et pourra lui permettre de faire face à d’autres coups durs après Renault Vilvorde, Ford Genk, Opel Anvers ou Tessenderlo Chemie.

Il n’y a pas que le PIB pour mesurer le développement d’une société. Le gouvernement wallon veut mettre en place d’autres indicateurs (bien-être, environnement…). Qu’en pensez-vous ?

Je suis surtout étonné qu’on se réfère si peu au taux de pauvreté. La récente étude de la KBC, très positive dans son ensemble pour la Wallonie, fait néanmoins remarquer que près de 20 % des Wallons vivent sous le seuil de pauvreté, pour moins de 10 % des Flamands, et que l’indice grimpe au sud quand il descend au nord. Je pense qu’on n’a pas besoin d’autre indicateur que celui-là. Sauf sans doute sur le plan écologique. Les matières premières s’épuisent, on ne peut pas continuer comme cela, il faut voir à quel prix on obtient le PIB, et s’il est soutenable. Mais je reste malgré tout optimiste. On s’ingénie, en Wallonie, à gâcher ou à ne pas utiliser le potentiel qu’on a, mais il ne tient qu’à nous, pour les jeunes et l’enseignement par exemple, d’inverser le courant.

L’intégralité de l’entretien dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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