Etienne Dujardin

« Votez pour moi » : un succès médiatique qui en appelle d’autres !

Etienne Dujardin Juriste et élu conseiller communal MR à Woluwe-Saint-Pierre

Le succès de l’émission sur Bel RTL « Votez pour moi » ne se dément pas depuis plusieurs années. Peu de gens pensaient que ce genre d’émission pourrait fonctionner en Belgique.

Il me semble entendre encore les déclarations à l’emporte-pièce qui avaient précédé le lancement de l’émission, comme « La Belgique, ce n’est pas la France » ou encore « Le Belge aime ce qui est lisse… ». Or, c’est tout le contraire qui s’est passé et l’on constate que le Belge adore cette émission et que celle-ci est en train de prendre une nouvelle dimension depuis qu’elle s’est retrouvée également à la télévision. Aujourd’hui, pas moins d’un demi-million de téléspectateurs regardent l’émission et semblent se délecter des blagues de Lamy, Leborgne et Diskeuve. Un succès qui nous amène à quelques constats.

Premièrement, la politique intéresse toujours les Belges. Faisons fi des esprits chagrins qui prétendent que le débat d’idées n’intéresse plus, que l’actualité c’est fini, et qu’on ne peut s’attirer les faveurs de l’audience et de la pub que par des séries ou de la téléréalité. Au contraire, la politique intéresse et les émissions de qualité et bien pensées restent recherchées du public.

Le second constat est qu’il existe de l’espace – même en Belgique – pour une émission humoristico-politique type « les Guignols de l’info », à condition de s’adapter au contexte et aux moyens de la Belgique. Il y a donc certainement aussi de la place pour créer l’équivalent d’autres émissions qui cartonnent en France comme « Mots Croisés », « Des paroles et des actes »… D’aucuns répliqueront que la faiblesse des rendez-vous politiques du dimanche témoigne du fait que le public belge serait différent du public français et ne s’intéresse guère à ce genre d’agapes médiatiques. Je suis, pour ma part, convaincu du contraire. N’oublions pas que le créneau du dimanche midi est l’un des plus mauvais qui soient. Un créneau horaire du lundi ou mardi soir serait bien plus judicieux et éviterait que l’émission ne ressemble à un pénible débriefing plus ou moins inspiré de l’actu de la semaine précédente.

En Belgique, le manque d’audience des émissions de débats politiques est surtout à mettre sur le compte… de l’absence de débat

Outre le créneau horaire, le manque d’audience des émissions de débats belges est surtout à mettre sur le compte… de l’absence de débat. À force d’y voir en permanence les mêmes têtes venir se prendre le bec sur des désaccords insignifiants, il n’est pas très étonnant que les audiences soient au plus bas. Il est temps de proposer de réels face à face à la française. Qui à l’éternelle émission à fleuret moucheté Defraigne-Flahaut-Antoine ne préférerait pas le choc Reynders-Hedebouw, un bon match Modrikamen-Di Rupo, le suspens d’un Nollet-Marghem ou un petit De Wever-Magnette? (d’ailleurs déjà tenté, avec un énorme succès pour ce dernier duo). Des plateaux trop consensuels dégoulinants de compromis n’intéressent plus personne. Les Belges veulent assister au choc des idées et des débatteurs alliant verve, talent, conviction.

Troisième constat, le succès de « Votez pour moi » sur RTL ou « Des coulisses du pouvoir » sur la RTBF montre que la chose publique peut encore capter une large audience. Quoi qu’on en pense, la coalition suédoise permet, pour une fois, à des projets politiques très différents de se retrouver autour de la table, et promet quelques magnifiques soirées de débats ou des sketches d’autant plus piquants le matin suivant. Et la liste des sujets s’y prêtant est longue : la crise des migrants, le tax shift, les grèves de la FGTB, les pensions… Chacun de ces sujets suffira, à lui seul, à enflammer un plateau bien sélectionné de politiciens ou experts aux idées bien tranchées. Bien sûr, cela exigera du courage de la part de nos chaînes de télévision. Plus question de demander aux partis quels invités ils souhaitent envoyer, plus question de virer un présentateur par trop incisif avec le président du parti dominant… Le téléspectateur aime la liberté de ton et l’audace. On ne peut que féliciter par exemple Laurent Ruquier et ses émissions, dont les émissions appliquent cette recette année après année et dont le succès ne s’est jamais démenti. Le succès de « Votez pour moi » pourrait peut-être être l’incubateur des nouvelles pousses dont la Belgique francophone a besoin. Croisons les doigts, car un débat d’idée véritable ne pourra que renforcer la liberté et la démocratie.

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