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Voler papy ou mamy: la plaie de l’exploitation financière des personnes âgées

Chaque année des dizaines de milliers de personnes âgées sont volées, spoliées ou mises sous pression pour leur argent. Pour les protéger, ils sont placés sous tutelle ou envoyé en maison de retraite. Pourtant, beaucoup de misère pourrait être évitée si les personnes âgées n’étaient pas si seules. Le contrôle social est encore l’une des meilleures armes contre l’exploitation financière.

Il y a peu un couple a été condamné pour avoir spolié un senior. Ils avaient acquis la confiance de Gaston V. (92 ans) en faisant quelques menus travaux pour lui. Il leur avait même laissé accès à ses comptes. Lorsqu’il vérifie ses finances après avoir vendu quelques vaches, il s’aperçoit que 650.000 euros ont disparu. Décédé avant le procès, il ne verra jamais ses voleurs condamnés.

Gaston V. est loin d’être un cas unique. Chaque année, des dizaines de milliers de personnes âgées sont spoliées par leurs familles, par des voisins ou des connaissances. On les presse de donner de l’argent, des cadeaux ou de modifier leur héritage. Parfois, plus simplement, on les vole ou on les extorque. Sans chichis et en toute discrétion, puisque l’exploitation financière des personnes âgées n’a jamais fait l’objet d’une étude approfondie.

Une étude de VUB et Hogeschool Gent réalisée dans plusieurs communes flamandes indique tout de même que 6% des personnes de plus de 80 ans ont déjà été confrontés au phénomène. Dans l’enquête européenne Prevalence Study of Abuse and Violence among Older Women, on parle même de 10 % des femmes de plus de 60 ans. Dans les chiffres cela signifie qu’il y aurait chaque année entre 60.000 et 100.000 victimes.

Inquiétant. Surtout lorsqu’on sait que ces chiffres sont probablement largement sous-estimés puisqu’être grugé n’est pas quelque chose dont on se vante. On estime que 45% des personnes qui en sont victime n’en parlent à personne dit le professeur Liesbeth De Donder (VUB).  » Certains sont tout simplement morts de honte, d’autres ont peur des représailles. Ce n’est que lorsque la situation dégénère vraiment qu’ils tirent la sonnette d’alarme. »

Ce genre de maltraitance augmente surtout après 80 ans. Ces personnes ont alors souvent perdu leur conjoint et beaucoup de leurs amis. Une étude montre que la moitié des plus de 75 ans voient leurs amis moins d’une fois par semaine et qu’un tiers ne parlent pas avec ses voisins. Certains ne voient ou parlent à personnes durant des jours, ce qui renforce le sentiment de solitude. Pas surprenant qu’elles s’attachent facilement et soient généreuses avec ceux qui viennent les voir.

« Souvent, les gens qui en profitent savent que ce qu’ils font n’est pas bien » dit Sabine Temmermanvan, du Vlaams Ondersteuningscentrum Ouderenmis(be)handeling (VLOCO), le centre de soutien des personnes âgées, « mais si la personne âgée dit quoi que ce soit, il y a des chances que la cousine ou le petit fils qui aident pour les courses ne viennent plus les voir. Ce qui, en plus de les plonger dans la solitude, les met face à un problème logistique. Certains n’ont alors d’autre choix que de s’installer dans un home, ce que la plupart tentent d’éviter coûte que coûte. Du coup, ils se taisent. »

Le voleur est souvent un membre de la famille

Surtout quand la personne en question leur est très proche. Dans 85 % des cas, l’auteur de la spoliation fait partie du cercle familial. Les personnes qui ont 80 ou 90 ans donnent souvent une procuration à leurs enfants. C’est plus pratique au cas où il leur arrive quelque chose, mais aussi parce qu’ils ont du mal à s’en occuper tant ils sont largués par la modernisation croissante de notre société.

Les banques se trouvent régulièrement face à un dilemme lorsque de grosses sommes d’argent sont retirées ou reversées par une personne âgée. « Légalement, tant que la personne a encore les pleins pouvoirs, la banque ne peut rien faire » dit le porte-parole de la KBC. « Il y a parfois des doutes, mais le personnel bancaire n’est pas formé pour juger de l’état physique ou mental de la personne. Avant, on pouvait encore demander au directeur de banque de garder un oeil afin d’éviter de trop grosses bêtises. Mais aujourd’hui, on ne peut plus demander ça aux employés de banque. »

Si la personne est en pleine capacité juridique et a envie de distribuer son argent, la famille ne peut pas non plus l’en empêcher. Tant pis si l’héritage fond comme neige au soleil. Surtout que l’abus n’est pas toujours facile à prouver. Si la personne a envie d’acheter la présence de l’autre qui peut l’en empêcher ? La spoliation n’est d’ailleurs pas toujours faite consciemment. Il s’agit souvent d’un processus insidieux qui se mue petit à petit en vol. Souvent les voleurs se justifient par le fait qu’ils ont droit à un peu d’argent de poche pour tout ce qu’ils font. « Cet argent ne leur sert plus à grand-chose. Ils vont en faire quoi ? L’emporter dans leur tombe ?  » entend-on souvent.

Même si la personne souhaite que cela cesse et s’en plaint à des proches ou à la police les choses ne sont pas simples. Souvent, il manque cruellement de preuves. Il est très difficile de prouver que quelqu’un a agi sous influence.

Heureusement, il n’est pas rare que cela cesse lorsque la personne reçoit régulièrement de la visite. Le contrôle social est en effet une des armes les plus efficaces contre l’exploitation financière des personnes âgées. Il est donc primordial que celles-ci sortent de leur isolement dit Van Hauwaert.

Le piège de la mise sous tutelle

Vieillir n’est pas en soi une maladie. Certaines personnes sont mises sous tutelle alors qu’elles sont encore parfaitement alertes. Par facilité ou pour éviter que leur père ne dilapide la fortune familiale pour sa nouvelle copine ou qu’un des parents donne tout à un seul de ses enfants.

Une telle décision est très invasive puisque la personne âgée ne se retrouve plus qu’avec 50 ou 100 euros d’argent de poche. Beaucoup de voix s’élève pour dire que cette mise sous tutelle devrait donc être mieux encadrée et peut être un peu plus souple.

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