Eva Brems

Voiles flamands et wallons

Depuis des années, la controverse sur le foulard fait fureur en Flandre et en Wallonie. Mais les mobiles animant les débats sont différents selon qu’on soit d’un côté ou de l’autre de la frontière linguistique.

Par Eva BREMS

L’ambiance était sympathique au Conseil d’Etat le mardi 16 mars: les filles de BOEH! (Baas over eigen hoofd – Maître de ma tête) étaient là pour encourager leur avocat qui plaidait contre l’interdiction totale de signes religieux dans l’enseignement de la Communauté flamande. Ces jeunes femmes rayonnantes, dynamiques et confiantes dans l’avenir, porteuses ou non du voile, apportaient un air de printemps dans la salle d’audience poussiéreuse.

Depuis des années, la controverse sur le foulard fait fureur en Flandre et en Wallonie; elle me semble découler davantage d’une image abstraite ancrée dans les têtes de Belges autochtones que du quotidien vécu par ces filles. Certains partisans d’une interdiction rejettent toute forme de religion, d’autres s’opposent à l’islam en particulier. Le débat offre aux uns et aux autres l’occasion de faire des déclarations qui, dans un autre contexte, seraient taxées d’intolérance. Ils s’y prêtent en se rangeant derrière le drapeau des droits de la femme ou en ouvrant le parapluie de la neutralité.

Mais, tandis que les femmes francophones du CFFB demandent une interdiction du voile dans l’enseignement public, les femmes néerlandophones du Vrouwen Overleg Komitee s’y opposent. Les féministes francophones font ressortir la symbolique (ou plutôt leur interprétation de celle-ci); les néerlandophones défendent la liberté de choix des femmes et des filles en avançant qu’interdiction égale négation de l’émancipation. La neutralité est invoquée des deux côtés de la frontière linguistique. Alors que l’enseignement francophone demande depuis des années une totale interdiction pour des raisons de principe, celle-ci n’est fondée en Flandre que sur des considérations purement pragmatiques et juridiques.

De toute manière, une neutralité « à la française » paraîtrait bizarre dans le système belge, où l’intégration de l’enseignement de la religion à l’école publique constitue un des piliers du pacte scolaire. Cinquante universitaires flamands viennent d’appeler le ministre de l’Enseignement Pascal Smet (SP.A) à prendre en main le dossier du voile et à élaborer une solution uniforme à l’usage de tous les réseaux de l’enseignement. En laissant la plus grande latitude à la liberté de religion. Je suis curieuse de savoir si pareille solution uniforme pourrait aussi être trouvée dans le cadre belge…

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