Marc Descheemaecker © Jef Boes

Voici ce que Marc Descheemaecker (N-VA) gagne vraiment chez De Lijn

En Flandre aussi on grappille. Marc Descheemaecker (N-VA) gagne presque deux fois plus pour son poste d’administrateur chez De Lijn que ce qu’il prétend. C’est ce que conclut Joris Vandenbroucke (sp.a) sur base des chiffres du ministre flamand de la Mobilité Ben Weyts (N-VA).

En novembre 2013, Marc Descheemaecker a démissionné de son poste d’administrateur délégué de la SNCB. Lors des élections européennes du 24 mai 2014, il était en fin de liste pour la N-VA. Il n’a pas été élu, mais il s’est vu attribuer un mandat dans plusieurs conseils d’administration. Il a été nommé président du conseil d’administration de la société de transports publics De Lijn et vice-président du Comité d’audit.

En avril dernier, Groen a prouvé, chiffres à l’appui, qu’en Flandre aussi on grappille. On a appris que certaines agences du gouvernement flamand souffraient de la maladie belge : des politiques sont parachutés dans des conseils d’administration contre des rémunérations qui atteignent parfois des hauteurs astronomiques. Le 22 avril, le quotidien Het Laatste Nieuws a publié le top 10 des politiques flamands les mieux rémunérés de 2016. En quatrième position, on retrouve Marc Descheemaecker avec un revenu brut de 14.062 euros chez De Lijn. Les deux premières places sont occupées par les N-VA Bart Huybrechts (29.765 euros bruts auprès de la Vlaams EnergieBedrijf (VEB)) et Koen Kennis (26 036 euros bruts auprès de la Société de participation de Flandre (Participatiemaatschappij Vlaanderen)). Hugo Leroi du CD&V était troisième avec 25 000 euros bruts gagnés au sein de la Limburgse Investeringsmaatschappij.

Le lundi suivant, l’émission de la VRT Terzake a prié Descheemaecker de s’expliquer. Il n’a ni confirmé ni contesté le montant cité, mais a indiqué « qu’en tant que président il gagne la somme nette de 30 à 35 euros. « Assurer la présidence d’une organisation de 8000 employés qui réalise une opération importante d’économies, demande énormément de temps. »

Trois mois plus tard, les chiffres demandés par le député flamand Joris Vandenbroucke (sp.a) au ministre de la Mobilité Ben Weyts (N-VA) nous apprennent que la somme perçue chez De Lijn par Marc Descheemaecker dépasse de loin les 14 062 euros. « C’est presque le double », déclare le chef de groupe des socialistes flamands. Outre ses fonctions de président (du conseil d’administration De Lijn) et de vice-président (comité d’audit De Lijn), Descheemaecker occupe encore une autre fonction : il est également président du conseil d’administration de LijnCom.

Commençons par le commencement: pour sa présidence du conseil d’administration de la société de transports De Lijn Descheemaecker a perçu 13.921,96 euros bruts en 2016. Cette rémunération se compose d’une partie fixe (5800,84 euros) et d’une partie variable (8121,12 euros de jetons de présence pour les 14 réunions qu’il a présidées). À côté de cela, Descheemaecker est également vice-président du Comité d’audit : les six réunions auxquelles il a assisté lui ont rapporté 1739,54 euros bruts. Au total il a gagné 15 661,50 euros. C’est 1600 euros de plus que ce qu’écrivait Het Laatste Nieuws. Descheemaecker a répété ce montant dans De Afspraak, mais il n’a ni contesté, ni confirmé.

D’où vient l’affirmation de Vandenbroucke que Descheemaecker gagnait « presque le double » de 14.062 euros?

« Ce que ne mentionnent ni Descheemaecker, ni le rapport annuel de De Lijn, c’est qu’il y a aussi des conseils d’administration séparés pour la SA NV LijnCom », déclare Vandenbroucke. « Et qui les préside ? Marc Descheemaecker. » LijnCom est chargé de la vente d’espaces publicitaires sur les véhicules et les abribus de la société de transports et est à 100% aux mains de De Lijn.

« Descheemaecker y a gagné 8121,16 euros bruts en 2016 pour lesquels il a présidé quatre réunions. Non seulement c’est une rémunération généreuse pour une petite société de treize employés, mais c’est aussi de l’argent public qui doit servir à développer les transports en commun et à résoudre le problème des embouteillages. »

« Marc Descheemaecker ne gagne donc pas 14 062 euros par an chez De Lijn, mais 23.782,66 euros par an. Il a également demandé et reçu le remboursement de 2952 euros de frais de déplacement. En tout, il a donc empoché 26.734,66 euros chez De Lijn, soit plus de 90% du montant cité dans De Afspraak. » Au fond, Descheemaecker avait droit à une place de podium, juste entre les deux autres coryphées de la N-VA Huybrechts (1) et Kennis (3).

Descheemaecker indique dans De Afspraak qu’il gagnait 30 à 35 euros nets par heure prestée, ce qui est loin d’être un montant exorbitant. Cependant, Vandenbroucke ne comprend pas la proportion entre les rémunérations : « De Lijn emploie 8000 personnes et possède un budget d’exploitation de 800 millions d’euros. LijnCom a 13 employés et réalise un chiffre d’affaires annuel de 8,5 millions d’euros, soit 1% du budget d’exploitation de De Lijn. Pour la première société, il a soi-disant 14 000 euros, pour la deuxième 8121,16 euros. Est-ce également équitable ? », se demande Joris Vandenbroucke.

Joris Vandenbroucke se dit davantage agacé par le manque de transparence que par les montants. « Ce n’est qu’après des questions parlementaires précises adressées au ministre Weyts qu’on apprend combien Descheemaecker empoche chez De Lijn. Pourquoi les rapports annuels de De Lijn ne mentionnent-ils absolument rien au sujet des rémunérations de LijnCom, ses activités et ses rémunérations ? » Vandenbroucke ne comprend pas pourquoi Descheemaecker n’a jamais été transparent à ce sujet « pas même quand on lui a demandé dans l’émission télévisée ».

Vandenbroucke estime également que le manque de transparence de LijnCom permet difficilement de discerner si ses prestations valent ses rémunérations. « La seule chose que nous savons, c’est qu’il y a eu quatre réunions. On ignore combien de temps elles ont duré, et ce qui a été discuté. »

En avril, les révélations de Groen ont provoqué un vif débat au Parlement flamand. « Le ministre-président flamand Geert Bourgeois (N-VA) a reproché au chef de groupe Groen Björn Rzoska de faire de ‘l’anti-politique plate’. Tous les partis avaient juré la transparence : il n’y aurait plus de fumée autour des rémunérations pour les mandats publics. Mais que voyons-nous à présent, à peine trois mois plus tard ? Au sein d’une des principales entreprises publiques flamandes, un écran de fumée voile les rémunérations généreuses. »

Depuis le Midi, Mark Descheemaecker écarte cet écran de fumée. « Je me suis engagé à livrer une transparence complète dans le rapport du conseil d’administration, et c’est ce que j’ai fait ». Pour la première fois, ce rapport annuel mentionne effectivement les indemnités des administrateurs. Mais rien au sujet de LijnCom. C’est logique, déclare le porte-parole de De Lijn Tom Van de Vreken: « LijnCom est une entité séparée, et donc ce n’est pas mentionné. » Descheemaecker: »Si on voulait la même transparence que pour De Lijn, on la donnera. » Descheemaecker ne souhaite pas réagir aux autres questions de Vandenbroucke : « En tant que non-politique, je ne vais pas en parler. C’est le rôle du ministre tutélaire (Ben Weyts, NDLR). »

Se faire remarquer

Même si Descheemaecker se qualifie de « non-politique », en peu de temps il est devenu l’un des membres importants de la N-VA dans les conseils d’administration. On le dit passionné par tout ce qui roule, vole ou navigue. C’est clair, car non seulement il coiffe trois casquettes De Lijn, mais il préside également le conseil d’administration de Brussels Airport Company et il est administrateur à la SNCB. Licencié en sciences économiques, l’homme est également féru de finances : il est administrateur de Vitrufin (le holding au-dessus d’Ethias dont il est également administrateur), la société d’investissement flamande Gimv et la Banque d’investissement européenne. Selon ses dires, il s’est tant fait remarquer dans cette dernière fonction qu’on lui a également demandé de présider le fonds d’investissement européen. Enfin, il est aussi administrateur indépendant du Conseil supérieur du Diamant.

C’est beaucoup, même pour un homme à la carrure de Descheemaecker. Lui trouve qu’il n’y a là rien d’exceptionnel : « Quand j’étais CEO de la SNCB, j’avais aussi sept ou huit mandats d’administrateur. Depuis mon départ, je n’ai plus voulu accepter de fonctions opérationnelles ou exécutives. J’accepterai et l’exercerai uniquement les mandats pour lesquels j’ai une plus-value et que je peux exercer à 100%. Vous ne devez donc pas vous inquiéter que je me charge de trop de mandats. »

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