Guido Fonteyn

Visite au Kot d’Anvers, version moderne du marché aux esclaves

Le nom de Jos Van Praet vous est probablement inconnu. Il n’est d’ailleurs apparu qu’une seule fois dans la presse flamande, donc infiniment moins souvent que Jean-Luc Dehaene, Yves Leterme, Herman Van Rompuy, Bart De Wever ou même Jan Hoet, Jan Fabre et les autres BV (Bekende Vlamingen) habituels.

Par GUIDO FONTEYN, journaliste et essayiste

Jos Van Praet a été présenté dans un article de Visie, le bimensuel des membres de l’ACW (la puissante coupole des organisations chrétiennes flamandes des travailleurs). Jos Van Praet, âgé de 53 ans, est marqueur de marchandises dans le port d’Anvers. Comme ouvrier à la journée. Cela veut dire que, jour après jour, il doit se rendre au « Kot » pour savoir si ce jour-là il y a du travail pour les ouvriers à la journée et s’il pourra (ou devra) éventuellement revenir le lendemain.

Au Kot, les employeurs cherchent et choisissent leurs « journaliers ». On peut y voir une version moderne du marché aux esclaves, quoique les deux parties reconnaissent qu’en temps de prospéritééconomique le système fonctionne très bien, étant donné le grand besoin, dans la navigation marchande, de personnel immédiatement disponible.

Or, dans ledit article, Van Praet raconte que, depuis le Nouvel An, il a à peine travaillé neuf jours, et que cela ne lui est jamais arrivé »au cours des vingt-cinq années qu’il a été actif au port d’Anvers ». Il ajoute que le taux de chômage qui frappe les travailleurs portuaires dépasse les 20 %. Cette année, il ne touchera pas de pécule de vacances ni de prime de fin d’année, et il est convaincu que les employeurs profiteront de la précarité des journaliers pour mettre de plus en plus la pression sur eux : ceux qui font trop d’histoires s’entendent vite dire qu’ « ils peuvent rester chez eux le lendemain ».

Cela me rappelle des scènes de films évoquant la Grande Dépression dans l’Amérique des années 1930 où l’on voit des nuées de demandeurs de travail, hâves et démunis, devant les grilles de fer d’usines ou de quais. Bien sûr, la Flandre n’en est pas (encore) là, contrairement au triste sort que subissent des gens comme Jos Van Praet. Il n’empêche qu’il y a maintenant des dizaines de milliers de chômeurs qui, tel Jos Van Praet, ne savent plus à quel saint se vouer. Et qui réalisent peut-être qu’une Flandre dotée de davantage de compétences ne débouche pas automatiquement sur plus d’aisance pour le Flamand moyen. Recommandons donc chaudement aux politiques flamands de visiter le Kot, à Anvers.

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