Theo Francken © BELGA/Nicolas Maeterlinck

Visa humanitaire: L’avocat de la famille n’a « pas d’autre choix » que d’exiger le paiement des astreintes

L’avocat de la famille syrienne à qui l’État belge refuse de délivrer des visas humanitaires, Me Thomas Mitevoy, exigera dès la semaine prochaine le paiement d’astreintes, a-t-il indiqué vendredi à l’agence Belga.

« Theo Francken (le secrétaire d’État à l’Asile et la Migration N-VA, NDLR) ne nous laisse pas le choix », a-t-il insisté, espérant encore que celui-ci soit fermement rappelé à l’ordre par le Premier ministre Charles Michel (MR).

Mercredi, la cour d’appel de Bruxelles a condamné l’État belge à exécuter une décision du Conseil du contentieux des étrangers du 20 octobre 2016 qui condamne les autorités à délivrer des visas ou laissez-passer à une famille syrienne qui veut fuir Alep.

La condamnation est assortie d’une astreinte de 4.000 euros par jour de retard. Theo Francken a cependant déclaré qu’il n’accorderait pas de visas humanitaires à cette famille, estimant que la décision de la cour d’appel de Bruxelles entrave son pouvoir discrétionnaire. « L’arrêt est immédiatement exécutoire, quels que soient les recours introduits. A un moment donné, il faut être sérieux. On peut ne pas être d’accord avec une décision de justice, mais on l’exécute », réagit Me Mitevoy.

Les avocats du gouvernement fédéral ont pu défendre leur point de vue au cours de la procédure, et les arguments invoqués par Theo Francken pour ne pas se conformer à la décision ont été pris en compte, souligne-t-il aussi. « On dépasse les limites des fondements de l’État de droit. Je ne peux pas imaginer que le gouvernement puisse avaliser, se rendre complice d’une telle situation. Car c’est l’ensemble de l’État belge qui a été condamné. »

D’après lui, la décision judiciaire rendue mercredi n’est pas la première à obliger les autorités à délivrer des visas humanitaires. Le gouvernement fédéral a, dans d’autres cas, déjà exécuté de telles décisions grâce à la pression des astreintes. Mais Theo Francken semble vouloir « engager l’argent des contribuables pour mener une croisade incompréhensible », déplore-t-il.

La famille syrienne en question, un couple et leurs deux enfants de 5 et 8 ans, vit actuellement dans l’attente à Alep. « Ces dernières semaines ont été extrêmement éprouvantes pour eux », rapporte leur conseil. Qui précise que ses clients veulent seulement venir en Belgique, et « n’ont rien à faire des astreintes ». « Ils m’ont dit que l’argent pouvait être versé à une association de charité en Belgique. »

L’argent des contribuables

L’idée envisagée par le gouvernement de placer le montant des astreintes sur un compte bloqué jusqu’à la décision de la cour de cassation n’a pas de sens, estime par ailleurs Mieke Van den Broeck, l’avocate flamande du ménage originaire d’Alep. « Ce n’est juridiquement pas possible. Le but d’une astreinte est d’exercer une contrainte. Il s’agit ici de l’argent des contribuables, donc pour Francken la pression n’est déjà pas très élevée. Mais si l’argent peut être placé sur un compte bloqué, il n’y a plus de pression du tout. » Theo Francken a peu de chance d’obtenir gain de cause devant la cour de cassation, considère en outre Me Van den Broeck. « Je ne suis pas avocate de cassation, mais j’ai examiné avec soin l’arrêt et je ne vois pas d’erreur de droit. La cour de cassation devra déterminer si un jugement exécutoire peut être exécuté et s’il peut être assorti d’une astreinte. Si la réponse est non, alors je me demande ce que nous faisons encore ici! »

La cour de cassation a en effet uniquement la compétence de vérifier la légalité de l’arrêt. Or cet arrêt se borne à juger que la décision du Conseil du contentieux des étrangers du 20 octobre s’impose à l’Etat belge. Cette dernière décision, elle-même rendue à la suite d’un recours contre l’Office des étrangers, impose au gouvernement de délivrer des visas ou laissez-passer de trois mois aux membres de la famille. Elle a été contestée devant le Conseil d’Etat, qui fait office de cassation pour les juridictions administratives. Le conseil d’Etat non plus ne pourra pas se prononcer sur le fond du dossier, mais uniquement sur la légalité de la décision.

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