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Vers une guerre de l’emploi en Flandre dans les prochains mois

Michel Vandersmissen
Michel Vandersmissen Journaliste pour Knack

Avec un chômage en baisse, un nombre croissant d’offres d’emploi et plus de 300.000 babyboomers qui vont prendre leur pension: voici le cocktail inquiétant qui va brusquement mettre à mal le marché de l’emploi dans les prochains mois en Flandre. De quoi déclencher une véritable guerre des talents où la lutte risque d’être sans pitié.

2016 a été une drôle d’année. On a vécu de grosse restructuration comme celle d’ING, Crelan ou Caterpillar. Mais dans le même temps, il semble que le moteur de l’économie a repris un peu de vigueur après des années de stagnation. Les chiffres du chômage structurel ont commencé à baisser.

La Flandre comptait en décembre 2016 215.562 chômeurs. C’est presque 6% de moins qu’il y a un an. La baisse c’est surtout fait sentir dans le nord du Limbourg ( -10.8%) , là où justement a pris place le drame de la fermeture de Ford Genk. Certes, mais c’est aussi la région de Flandre qui est la plus industrialisée. Ce qui lui permet de profiter en premier de la relance économique.

En Flandre occidentale aussi on remarque une embellie. Le taux de chômage n’y est que 5,6 % contre 7,2 % en moyenne en Flandre. Le nombre d’offres d’emploi y a augmenté de 62% en 2016. Ce qui fait que par offre d’emploi il y a 2,4 demandeurs d’emploi. Mais c’est dans l’arrondissement de Roeselare que le ratio est le plus faible. Là par offre d’emploi, il y a 1.2 demandeur d’emploi. On peut dire qu’on est là-bas pratiquement à du plein emploi. Fin 2016, il y avait pas moins de 73.000 offres d’emplois qui restaient ouvertes dans toute la Flandre.

Au point que les entreprises engagent même des personnes venues de France et que le Voka a annoncé la semaine dernière qu’il allait se lancer dans un tour de Wallonie.

À travers toute la Flandre, le nombre d’offres d’emploi a augmenté de près 26.4 %. Dans l’arrondissement de Tielt on parle même de 84%. Seule maline plombe un peu les chiffres puisqu’elle n’affiche qu’une hausse de 3.3 %

Ce n’est pas la première guerre de l’emploi à laquelle la Flandre doit faire face. En 1999 déjà, le marché de l’emploi a été chamboulé. À cette époque, il n’était pas rare de voir des employeurs racheter des employés à leur concurrent en les attirant avec des salaires mirobolants et moult avantages extralégaux. Dans les cas les plus extrêmes, on offrait même une seconde voiture de société pour le conjoint. La dernière grosse secousse du marché de l’emploi remonte à 2007, ce n’est pas encore aussi grave qu’alors, mais on voit bien qu’on en prend la direction.

Le Grixit

Fons Leroy du Vlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding (VDAB), le forem flamand, n’a pas encore de signe d’un tel déraillement du marché du travail comme ce fut le cas à la fin du siècle précédent. Et cela est dû au fait que les employeurs n’ont aucune conscience de ce qui les attend. « Il y a, de façon complètement faussée, pas le moindre sentiment d’urgence. Beaucoup pensent qu’ils pourront maîtriser un marché de l’emploi réduit. En faisant par exemple appel à des travailleurs de l’est de l’Europe. Mais là aussi le réservoir s’assèche.

Le plus grand danger est ce que Fons Leroy appelle le ‘grixit’. Avec « gri » pour gris. Il vise par ce terme le groupe des baby-boomers qui s’en iront dans les années qui viennent en pension et en pré-pension. Ce mouvement est déjà en marche depuis quelques années et va rentrer en 2017 dans sa vitesse de croisière. Avec cela on va perdre une quantité incroyable d’expérience et de compétences dit Leroy. ‘ Et cette perte ne sera pas complètement compensée par ceux qui sortent des écoles. Pour 100 personnes qui quittaient le marché de l’emploi, il y en avait 106 pour les remplacer. Aujourd’hui il y en a plus que 78 à 82. D’autant plus que la moyenne d’âge des travailleurs en Flandre est élevée. Avec 29% des enseignants qui ont plus de 50 ans, on s’attend à un pic de postes vacants pour 2018 et ils savent déjà maintenant qu’ils n’auront pas assez de candidats. Cela met une pression de dingue sur le marché de l’emploi. Le Grexit représente une bien plus importante menace sur le marché de l’emploi que le Grexit.

Des chiffres de Steunpunt Werk de la KU Leuven, il ressort qu’entre 2015 et 2020 pas moins de 296.541 travailleurs vont quitter le marché du travail. Entre 2020 et 2025, s’ajouteront encore 376.402 anciens travailleurs.

Selon Jan Denys ce sont les employeurs qui provoquent eux-mêmes ce manque en refusant de donner une chance à des personnes de plus de 50 ans (trop cher pas assez motivés selon eux, des allochtones ou avec des limitations. Pour lui s’ils veulent faire face à la crise qui s’annonce, les employeurs devront mettre de l’eau dans leur vin. Mais aussi accepter de payer un peu plus, de moins se cramponner au diplôme, de former des employés et d’être un peu plus souple sur les horaires. Car comme le dit ce spécialiste, l’amour doit être réciproque. Avant l’employeur choisissait son employé, il semble que la tendance s’inverse. Au point que certaines entreprises, comme celle du développeur de programmes, offrent 15.000 euros contant, s’ils arrêtent leur étude pour les rejoindre.

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