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Véronique De Keyser : « Le PS est devenu une machine de guerre au bénéfice d’Elio »

François Brabant
François Brabant Journaliste politique au Vif/L'Express

« Régime présidentiel », « paranoïa », « incohérence politique » : la socialiste Véronique De Keyser, députée européenne en partance, dénonce l’évolution de son parti.

Députée européenne depuis 2001, Véronique De Keyser, ex-professeur de psychologie de l’Université de Liège, espérait rempiler pour un nouveau mandat. Les stratèges du boulevard de l’Empereur en ont décidé autrement. Ils ne lui ont proposé qu’une place d’avant-dernière suppléante. « Se faire jeter comme un chien est révoltant », s’est exclamée Véronique De Keyser, par communiqué. Au Vif/L’Express, elle en dit davantage.

Le Vif/L’Express : Votre réaction respirait la colère. Mais qui visait cette colère ?

Véronique De Keyser : Ce qui m’a choquée, c’est la manière dont s’est déroulée mon éviction, l’absence totale de dialogue. Un représentant du boulevard de l’Empereur a affirmé en off, dans L’Echo, que j’avais fait mon temps. Si vraiment la direction du PS pense cela, eh bien, nom d’une pipe, on en discute et on se dit au revoir… On n’envoie pas la députée à la trappe, sans un mot. Je trouve normal qu’il y ait une volonté de rajeunissement. C’est la raison pour laquelle je souhaitais la place de dernière effective. On m’a dit : impossible. Ce que je dénonce, c’est le caractère non démocratique de la décision. C’est le choix exclusif du président. Au PS, on ne peut même pas dire qu’on est candidat à l’Europe. Marie Arena est une fille très bien, je n’ai rien contre elle… Mais quand elle s’est mise à raconter partout qu’elle se verrait bien députée européenne, Frédéric Daerden et moi, on a aussi fait quelques déclarations pour dire qu’on souhaitait rester à l’Europe. Alors, on s’est fait tancer… Elio ne serait pas content, a-t-on appris. Non pas de la bouche d’Elio lui-même, mais de façon indirecte. Au parti, on entend : Elio a dit ceci, Elio a fait cela. Mais on n’a jamais de contacts directs avec lui. Un peu comme si c’était un mirador. Le PS est devenu un régime complètement présidentiel. Avec une opacité totale dans le système de communication.

En acceptant de rencontrer le dictateur syrien Bachar el-Assad, en septembre, n’avez-vous pas signé votre arrêt de mort politique ?

Je ne crois pas que ça a été le déclencheur. Cela a juste donné une justification pour me virer. Cette rencontre s’est faite avec le concours de la diplomatie européenne, de l’ambassade de Belgique au Liban, du consul honoraire de Belgique à Damas… On était à la veille d’une possible intervention militaire de la France, qui aurait engendré un afflux de réfugiés. Médecins Sans Frontières me disait d’y aller. Je n’ai pas serré la main de Bachar el-Assad, je ne me suis pas laissée prendre en photo avec lui… Ce qui a provoqué la réaction furieuse du parti, d’après ce qu’on m’a dit, c’est que j’avais mis Elio en péril. Et c’est comme ça tout le temps : attention à ne pas mettre Elio en danger.

Votre communiqué dénonce la « paranoïa qui s’est développée autour de la défense du Premier ministre ». Que voulez-vous dire ?

Former un gouvernement, c’était quasi mission impossible. Elio a été un remarquable Premier ministre. Mais je n’aime pas la manière dont il a transformé le parti en machine de guerre pour le protéger. Avec, comme conséquence, une incohérence de plus en plus flagrante. Quand les plans d’austérité, two-pack et six-pack, ont été votés au Parlement européen, en octobre 2011 et juin 2012, nous avons reçu la consigne du boulevard de l’Empereur de nous y opposer, quitte à ne pas suivre le reste du groupe socialiste, pour marquer encore plus notre ancrage à gauche. J’ai engueulé le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, à propos de ces plans d’austérité. Il m’a ri au nez : « Madame De Keyser, vous vous excitez beaucoup, mais vos amis socialistes au Conseil sont entièrement d’accord. » Au Conseil, Elio votait pour. Et quand le Traité budgétaire est arrivé dans les parlements belges, on a demandé aux députés PS de le ratifier. Notre opposition au Parlement européen permettait juste à Elio de dire : « Vous voyez, foncièrement, je suis de gauche. » Nous avons payé très cher pour avoir un Premier ministre.

L’interview intégrale dans Le Vif/L’Express de cette semaine .

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