Thierry Denoël

Union bancaire : un accord historique ?

Thierry Denoël Journaliste au Vif

L’accord obtenu cette nuit pour régler, à l’européenne, les prochaines faillites bancaires serait « historique ». Mais effectif dans… plus de dix ans. D’ici là, chaque Etat (donc, les contribuables) restera la dernière béquille en cas de chute lourde d’une banque nationale.

L’Europe se construit à coups de crises. Lentement. Dans la fièvre, la douleur et l’accouchement difficile de compromis complexes, souvent énigmatiques pour le commun des Européens. Peut-on faire autrement lorsqu’on doit décider à 28, entre puissances économiques de différents niveaux, dans des matières aussi obscures que la résolution des crises bancaires à venir ? Sans doute pas. Mais l’Européen de la rue, lui, ne s’y retrouve pas pour autant…

Explication : l’Union bancaire européenne a pour objectif de casser le cercle vicieux entre faillites privées de banques et sauvetages publics qui pèsent sur les dettes souveraines. L’idée est de ne plus mettre les citoyens à contribution pour soigner les dérives bancaires. C’est le grand chantier, crucial et laborieux, de l’après crise financière, qui entre dans sa dernière étape. Les Etats de l’UE se sont déjà mis d’accord sur le médecin qui supervisera le diagnostic et le traitement à appliquer : la Banque centrale européenne (BCE). Restait à se mettre d’accord sur le type de thérapeutique envisageable, soit sur le mécanisme de résolution des crises bancaires.

En pratique : un Fonds de résolution va être mis en place, pour 330 des 6 200 banques de l’Eurozone, à savoir les banques systémiques et les banques transfrontalières. Ce fonds sera progressivement alimenté par les banques elles-mêmes pour disposer, en 2025, de 55 milliards d’euros. Mais d’ici-là, qui va payer les pots cassés et, même à partir de 2025, qui payera en dernier ressort une fois les 55 milliards épuisés (les gouvernements européens ont tout de même casqué près de 500 milliards pour les banques, depuis 2008…) ?

Résultat : la vraie mutualisation européenne du risque bancaire ne sera effective que dans dix ans. D’ici là, chaque Etat collectera auprès de ses banques sa propre contribution au Fonds de résolution. Ces fonds nationaux seront progressivement mis en commun d’ici à 2025. Pour le reste, c’est le Trésor de chaque Etat qui restera l’ultime remède en cas de rechute bancaire, quitte à faire appel au Mécanisme européen de stabilité (MES) en cas de coup dur, comme l’Espagne en 2012. Bref, rien de nouveau à court ou à moyen terme.

D’ici à 2025, les citoyens pourront encore être mis à contribution, comme ils l’ont été depuis 2008. Et après 2025 ? Les 28 ministres des Finances se sont mis d’accord sur la création d’un filet de sécurité (une fois le Fonds épuisé). Mais les modalités de ce filet de sécurité restent encore à définir…

Lorsque les Européens parviennent à un tel accord pour un secteur aussi délicat que celui des banques, c’est sans doute historique. Un grand saut vers davantage d’intégration européenne ! Et il y a lieu de se réjouir, surtout à six mois des élections. Mais le vrai changement, lui, n’interviendra qu’au bout d’un long tunnel… En 2025, dix-sept années se seront écoulées depuis la crise bancaire. Avec de tels délais et une telle opacité des mécanismes décidés, difficile de convaincre les eurosceptiques, de plus en plus nombreux, de la nécessité de l’Europe.

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