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Une nouvelle étude sur la sortie du nucléaire semble conforter tous les partis dans leurs positions

Stavros Kelepouris
Stavros Kelepouris Journaliste pour Knack.be

Une nouvelle étude sur le prix de la sortie du nucléaire, commandée par la ministre de l’Énergie Marie-Christine Marghem auprès de l’autorité gantoise Johan Albrecht, risque de renforcer l’impasse entre les partenaires du gouvernement.

Après une intervention de Charles Michel, la ministre de l’Énergie, Marie-Christine Marghem (MR), a décidé de transmettre les nouvelles études sur le pacte énergétique au parlement. Initialement, la ministre voulait discuter des textes au sein du gouvernement, mais Michel a décidé qu’il serait préférable de jouer franc jeu au parlement. Les études doivent donner le coup de pouce final au pacte énergétique et à la sortie du nucléaire.

La N-VA est le seul parti qu’il faut encore vraiment convaincre: elle estime qu’il faut prolonger la durée de vie des centrales nucléaires si la sortie du nucléaire devait entraîner une facture énergétique trop élevée ou si elle compromettait l’approvisionnement en énergie. « Rabat-joie », a lancé Kristof Calvo (Groen) à la N-VA à la Chambre tout en traitant Marghem de « ministre qui complique les choses par ses interventions maladroites ». Marghem avait en effet déjà agité les chiffres de l’étude, avant même que les autres membres du gouvernement ou parlementaires soient informés des résultats.

Même le ministre flamand de l’Énergie, Bart Tommelein (Open VLD), ne pouvait qu’être mécontent de la communication prématurée de la ministre. Lui non plus n’avait pas vu l’étude, alors que les libéraux flamands ne mettent pas du tout de bâtons dans les roues. Du coup, le Premier ministre est rapidement intervenu pour déminer la situation, et a apaisé l’opposition fédérale en promettant un pacte énergétique pour 2018. « Nous allons respecter cet engagement. »

Pour la N-VA, il est possible de conclure un pacte énergétique sans sortie nucléaire, et c’est justement là que le bât blesse. Une étude du gestionnaire de réseau Elia révèle que les centrales nucléaires peuvent être fermées uniquement si leur capacité est compensée par des centrales de gaz qu’il faut encore construire. Cela demandera un investissement conséquent. Les dernières études doivent produire des chiffres concrets.

Le ministre a lancé un chiffre: 15 euros, le surcoût pour la facture de courant des familles belges. Pour la plupart des partis, ce montant semble politiquement défendable. Les socialistes aussi trouvent ce prix raisonnable, même si tant le sp.a que le PS estiment possible de neutraliser cette hausse en baissant le tarif de la TVA de 21 à 6%.

La N-VA demeure sceptique à propos de ce montant. Bert Wollants, spécialiste énergie pour la N-VA à la Chambre, pense qu’il s’agira de plus de 15 euros, car plusieurs facteurs n’ont pas été pris en compte. « Pensez à la hausse du prix du marché entraînée par les centrales à gaz ou les dispositions nécessaires à l’énergie renouvelable. Il nous faut encore une vue d’ensemble. »

Quant à la députée sp.a, Karin Temmerman, elle parle d’une « fausse discussion » : l’investissement en centrales de gaz se fera de toute façon, même la sortie du nucléaire est reportée. Seule l’énergie renouvelable ne suffira pas à sauver notre pays. En outre, le prolongement de la durée de vie des centrales nucléaires a également un coût, parce qu’il faudra des investissements supplémentaires pour garantir la sécurité et le bon fonctionnement.

« Les prévisions d’aujourd’hui sont d’ailleurs le pire des scénarios. Je crois au progrès technologique. Il y a dix ans nous n’avions pas non plus progressé autant en matière de stockage d’énergie », déclare Temmerman.

Egbert Lachaert (Open VLD) voit suffisamment de raisons pour ne plus traîner : « Pour moi l’une des deux conclusions importantes, c’est qu’il vaut mieux investir en centrales de gaz maintenant et non en 2040 par exemple, parce qu’alors le climat d’investissement sera bien plus mauvais. »

Pourtant, il craint que les oppositions politiques ne soient pas tout à coup résolues, parce que les nouveaux chiffres laissent beaucoup d’incertitude sur la différence entre une sortie nucléaire complète et un scénario où les réacteurs les plus récents continuent à fonctionner. « Le coût dépend du prix du gaz. Si le gaz est bon marché, la différence entre les deux scénarios est négligeable : 15 millions d’euros par an sur un coût total d’environ 5 milliards. Mais si le gaz est très cher, il s’agit de 900 millions par an – même si évidemment on aboutit au même scénario, parce que finalement il faudra tout remplacer. »

Qu’est-il des jobs, jobs, jobs?

Si la ministre s’enthousiasme du surcoût limité pour les familles, elle ne dit pas que les entreprises vont devoir casquer. « Si vous extrapolez ces 15 euros d’une consommation familiale vers la consommation de certaines entreprises, on parle de millions d’euros », objecte Wollants. « Le ministre propose de facturer moins aux entreprises. Mais si on leur facture moins, il faut évidemment payer ailleurs : par le contribuable via les caisses de l’état, ou par le consommateur via la facture énergétique. »

Les jobs, jobs, jobs du gouvernement Michel sont également menacés, met en garde Wollants: ceux-ci continuent à exister uniquement si les entreprises de notre pays restent ici. « Si ces emplois risquent de se perdre suite à la facture énergétique trop élevée, nous devons également nous arrêter aux effets. »

Egbert Lachaert s’inquiète moins: « Ce ne sera pas si terrible. Quel que soit le choix qu’on fait pour le pacte énergétique, il faudra le suivre de près et l’évaluer. Nous allons surveiller le coût. »

C’est ainsi que la nouvelle étude risque de conforter tous les partis dans leurs positions. Celui qui veut fermer les centrales nucléaires, voit peu de nouvelles objections. Et vice-versa. La N-VA ne doit pas chercher loin des raisons de rester sur ses positions. « Cela dépend de la réaction de la N-VA, mais je pense effectivement que la discussion durera encore quelques semaines », déclare Lachaert. « J’espère que nous nous en sortirons rapidement. Si on laisse encore traîner la situation, il pourrait y avoir des coûts supplémentaires qui ne sont pas calculés dans ces 900 millions. À la longue, cela tourne à la discussion sémantique sur les coûts qu’on essaie de reporter. C’est peut-être pratique à court terme, mais à long terme quelqu’un doit payer ce report. »

Plus la décision se fait attendre, plus il sera difficile de tout terminer d’ici 2025, la date limite fixée dans la loi sur la sortie nucléaire. « En principe, ce gouvernement ne doit pas décider, car la sortie du nucléaire n’est pas pour cette législation. Mais nous devons commencer les préparatifs dès maintenant, sinon nous n’aurons jamais fini d’ici 2025 », met en garde Karin Temmerman.

La N-VA ne partage pas cet avis: pour les nationalistes flamands, la sortie du nucléaire peut très bien devenir un thème électoral. « Si on peut prendre la décision sur la sortie du nucléaire en 2019, on a encore largement le temps de trouver une solution d’ici 2025. Ce dossier traite du pouvoir d’achat des familles et de la compétitivité des entreprises. Si nous ne trouvons pas la solution, ce sera l’électeur qui jugera. Tout comme cela a été le cas pour la prolongation de Doel 1 et Doel 2. Mais c’est encore très loin. »

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