Hélène Moureau

Une mobilité plus douce pour un air plus pur

Hélène Moureau Présidente du Conseil d'administration du GRACQ - Les Cyclistes Quotidiens asbl

Qualité de l’air : il y a urgence sanitaire !

Après avoir subrepticement redécouvert les bienfaits de l’air pur pendant sa traditionnelle Journée sans voiture (au cours de laquelle, surprise, les concentrations de polluants atmosphériques nocifs ont chuté de plus de moitié[1]), Bruxelles est aujourd’hui de retour sous la véritable chape de pollution que nous subissons tous chaque jour. La qualité médiocre de l’air que nous respirons est responsable chaque année de 12.000 décès prématurés en Belgique[2]. Celle-ci est également source de nombreux problèmes cardio-vasculaires et de maladies respiratoires telles que les bronchites, l’asthme ou les allergies, qui pèsent lourdement sur notre bien-être et nos finances publiques.

La pollution de l’air, tueuse silencieuse et invisible, a toutefois de plus en plus de mal à rester discrète. Sujet de vibrants appels à l’action récemment relayés dans les médias, celle-ci vaut aujourd’hui à la Région de Bruxelles-Capitale d’être traînée devant les tribunaux par ses propres citoyens. Ces derniers estiment – tout comme la Commission européenne qui poursuit, elle, la Belgique devant la Cour européenne de justice[3] – que les infractions répétées de notre capitale aux normes européennes mettent en danger la vie même de ses citoyens et que des mesures sont à prendre. La prise de conscience semble générale : il y a urgence sanitaire.

Bruxelles étouffe sous ses voitures

Issus en partie de nos systèmes de chauffage domestiques, les oxydes d’azote (NOx), principaux polluants toxiques incriminés, sont aussi et surtout lié aux processus de combustion se déroulant dans les moteurs de nos voitures. Le transport routier (et en particulier les véhicules diesel) est ainsi la source de plus de 65% des émissions de NOx observées à Bruxelles[4]. Ces particules présentes dans notre air empoisonnent notre santé à tous, en ce compris celle des automobilistes : plusieurs études démontrent en effet que la concentration de polluants dans l’habitacle d’un véhicule est beaucoup plus importante qu’à l’extérieur de celui-ci.

Le transport routier est également source d’une autre spécialité belge : la congestion. Les embouteillages, érigés au rang de patrimoine national par une pub factice de la SNCB, sont devenus une véritable institution dans la capitale, tant et si bien qu’Eurostat estime qu’un travailleur bruxellois moyen y passe environ 70 heures par an. Ces embouteillages ont toutefois eux aussi un coût, dont se passeraient volontiers les différents acteurs du tissu économique bruxellois.

Et pourtant, des alternatives existent…

Le tableau n’est toutefois pas si sombre ! Bien que la voiture continue de représenter une part non négligeable des déplacements dans et vers la capitale, de plus en plus d’alternatives voient le jour.

Outre l’émergence de solutions de mobilité telles que les voitures partagées et les scooters électriques en free floating, les timides avancées en matière d’infrastructures cyclables permettent de s’apercevoir que le vélo s’impose de plus en plus comme la solution idéale pour se déplacer en ville.

Alors que les deux tiers des déplacements à Bruxelles se font actuellement sur une distance de moins de 5 kilomètres et peuvent d’ores et déjà être réalisés à pied ou à vélo, l’émergence des vélos électriques rend obsolète l’excuse du relief vallonné. Sous réserve d’infrastructures adaptées, le vélo représente donc une alternative crédible à la voiture : plus rapide, plus saine et bien moins coûteuse. Fort heureusement, les Bruxellois sont de plus en plus nombreux à s’en rendre compte et à se mettre en selle : une augmentation de 50% du nombre de cyclistes a en effet pu être observée entre mai 2015 et mai 2016 ! Pour accompagner et encourager cette croissance, les autorités publiques doivent donc prévoir des infrastructures adaptées, séparées du trafic automobile entre autres.

…aux pouvoirs publics de les encourager !

Interpellés par les citoyens, nos ministres nous répondent à l’unisson qu’offrir à leurs concitoyens un air respirable est une de leur priorité politique majeure. Bien. S’ils veulent nous convaincre, ils devront toutefois faire suivre ces promesses par des actes et encourager le report modal en s’appuyant sur des mesures ambitieuses permettant de respecter les normes européennes en matière de qualité de l’air.

Améliorer la qualité de l’air à Bruxelles passe par une politique volontariste de modération de la circulation automobile (réduction des subsides massifs attribués aux voitures de société, stop au « tout à la voiture » lors de l’aménagement de l’espace public) et le développement des alternatives (offre ferroviaire vers Bruxelles et réseau de transport en commun en complémentarité avec le vélo). Il s’agit là d’un défi, tant la voiture dispose d’une place privilégiée dans notre pays, mais il s’agit aussi d’une opportunité immense, tant les bénéfices en termes de qualité de vie, de santé et d’attractivité pour nos entreprises sont importants.

Nos dirigeants doivent donc :

– opérer des choix clairs en faveur des modes actifs lors des réaménagements de voiries afin d’encourager l’essor du vélo. Les projets actuels sont encore trop souvent motivés par le maintien de la capacité automobile et du stationnement, ce qui conduit à la réalisation de pistes cyclables sous-dimensionnées, et incapables de soutenir les objectifs de mobilité à long terme.

– finaliser l’aménagement du réseau d’itinéraires cyclables régionaux (ICR), ainsi que la mise en zone 30 effective des voiries de quartiers.

– mettre en oeuvre le RER vélo, qui reste coincé dans les cartons alors que l’arrivée de vélos électriques plus puissants devrait au contraire encourager sa concrétisation.

Si nous voulons que nos enfants respirent un air pur, l’heure est au changement pour la mobilité bruxelloise ! Profitons de ce défi pour mettre sur pied une VRAIE smart-city : une ville conviviale, apaisée et adaptée aux défis du futur tels que le changement climatique.

Hélène MOUREAU

Présidente du Conseil d’administration

GRACQ – Les Cyclistes Quotidiens asbl

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