Gérald Papy

Une guerre courte ou le chaos ?

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

C’EST SANS ATERMOIEMENTS ET SANS ÉTATS D’ÂME que le gouvernement et le Parlement ont approuvé la participation de la Belgique à l’opération « Aube de l’Odyssée » en Libye. Une forme d’ « exploit » et d’inquiétant précédent pour une équipe en affaires courantes qui ne cesse de les élargir…

En 2003, c’est quasi le même unanimisme qui avait présidé au… rejet d’une entrée en guerre en Irak. Contradiction ? Non, car la « coalition de bonne volonté » qui intervient depuis le 19 mars en territoire libyen répond à d’autres mobiles et agit dans un autre contexte. Ici, ni « guerre au terrorisme » à mener à tort et à travers, ni « axe du mal » à châtier sans discernement… L’opération répond à une demande de Libyens ; a le soutien, quoique mesuré, des pays arabes, et est couverte par un mandat de l’ONU. L’offensive des troupes de Muammar Kadhafi vers le réduit des insurgés, malgré une première résolution de l’ONU imposant un cessez-le-feu, a précipité l’action des alliés. En son absence, de nombreuses voix s’élèveraient aujourd’hui pour dénoncer l’impuissance de la « communauté internationale » à empêcher les atrocités de la « bataille de Benghazi ». Seïf al-Islam Kadhafi n’avait-il pas promis « des rivières de sang dans toute la Libye » ? Le devoir d’ingérence, drapé désormais dans la formule onusienne de « responsabilité de protéger les civils », s’est donc imposé et s’imposait.

Pour autant, « Aube de l’Odyssée » n’est pas sans risque. La résolution 1973 de l’ONU qui la fonde « autorise à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les civils et les zones peuplées par des civils sous la menace d’attaques (par les troupes de Kadhafi) tout en excluant une force étrangère d’occupation ». Jusqu’où les « mesures nécessaires » peuvent-elles mener ? Si le recours à une « force étrangère d’occupation » est exclu, l’envoi ponctuel d’une « force d’intervention » l’est-il ? L’ambiguïté n’est peut-être pas innocente pour une mission qui masque mal son agenda caché : renverser le régime de Muammar Kadhafi. C’est ce double langage et ce double objectif – le principe de protection des civils ne pourrait-il pas in fine justifier un renversement du régime ? – qui a divisé les Européens et a refroidi les Etats membres de la Ligue arabe sur l’attitude à adopter. Le débat, en revanche, n’a pas gagné – ou si peu – la classe politique belge malgré les efforts méritoires de l’américanophile et va-t-en-guerre ministre de la Défense, Pieter De Crem, pour le raviver.

Il ne faut pas se faire d’illusion. Le débat s’invitera crûment en Belgique si l’Aube de l’Odyssée libyenne se transforme en crépuscule des Occidentaux : enlisement militaire, crise humanitaire, division de facto de la Libye, exportation du terrorisme… A contrario, le scénario idéal résiderait dans une chute rapide du clan Kadhafi sous les coups de boutoir des seules frappes aériennes ciblées, évitant les dommages collatéraux. C’est possible si la pression militaire favorise des dissensions à l’intérieur du régime. Après s’être disqualifié par son caractère fantasque aux yeux des dirigeants arabes, Kadhafi s’est discrédité auprès des populations par la répression de son propre peuple. C’est l’atout de la coalition de surfer sur cette tendance. Il ne faudrait pas que la « martyrisation » de Muammar Kadhafi par une guerre inique et par un déficit d’efforts diplomatiques brise ce mouvement, au détriment, en définitive, de la soif de liberté des Libyens.

GÉRALD PAPY

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