Philippe Maystadt

Une année décisive pour l’Europe

Philippe Maystadt Ex-président de la BEI

L’année qui commence sera décisive pour l’Europe. Les élections en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et peut-être en Italie indiqueront si l’Union européenne pourra devenir plus forte et plus démocratique ou si elle risque de commencer sa désintégration sous l’effet d’une vague néonationaliste.

Aux défis économiques, sociaux et environnementaux dont j’ai abondamment traité dans mes chroniques précédentes, on ne peut plus éviter d’en ajouter un autre, celui de la défense de l’Europe contre des agressions extérieures. Qu’il s’agisse d’agressions commerciales (comme le « dumping » chinois dans l’acier), cybernétiques (comme les « hackers » russes contre TV5 Monde ou le Bundestag allemand) ou militaires (comme l’intervention de la Russie, par son armée officielle ou des milices à sa solde, en Géorgie, dans le Donbass et en Crimée), l’Europe est mal organisée et mal équipée pour assurer sa défense.

A cet égard, l’élection du président Trump a fait l’effet d’un électrochoc. Pour la première fois depuis 1945, les Etats-Unis ont élu un président isolationniste. Si Trump n’a pas (encore) articulé clairement sa vision des relations internationales, ce qu’il en a dit semble proche de la théorie de la « stabilisation à distance » prônée par John Mearsheimer et Stephen Walt dans un article publié par la revue Foreign Affairs en août dernier. Cette théorie dispense Washington d’intervenir à moins que ses intérêts ne soient directement en jeu. Cet objectif de « stabilisation à distance » exclut toute dimension morale et implique de renoncer à toute intervention qui ne serait justifiée que par la défense des valeurs démocratiques. Cela signifie aussi, comme Trump l’a annoncé pendant sa campagne, que les Etats-Unis n’appliqueraient plus automatiquement la clause qui garantit la sécurité des pays partenaires de l’Otan. Ils n’interviendraient que si le président considère que les intérêts propres de son pays sont directement menacés.

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On comprend que des gouvernements qui, jusque-là, ne juraient que par les Etats-Unis redécouvrent brusquement les vertus d’une défense européenne. Sans parler déjà d’une « armée européenne », on peut certainement renforcer la coopération entre Européens, de sorte que, sans dépenser plus globalement, nous pourrions utiliser ces moyens d’une manière plus rationnelle et, en même temps, renforcer la base industrielle et technologique de l’Europe. Les Etats membres de l’Union européenne n’ont pas besoin de continuer à payer un million et demi de personnes pour porter l’uniforme avec des équipements désuets. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une capacité opérationnelle réelle : moins de soldats mais mieux formés et mieux entraînés, disposant de l’équipement le plus moderne. Parmi les mesures possibles à brève échéance, on peut citer la coordination de la recherche militaire et son financement par fonds européens, la centralisation des achats pour éviter les doubles emplois et réduire les coûts de maintenance, les accords pour se répartir certaines missions (à l’instar de ce qui existe déjà entre les marines néerlandaise et belge).

Mais cela implique que, pour la défense comme pour d’autres domaines clés (fiscalité des multinationales, lutte contre le dumping social et environnemental, transition énergétique, gestion des flux migratoires, lutte contre le terrorisme), les électeurs permettent la constitution de gouvernements qui soient convaincus que seul l’échelon européen est à la hauteur de ces défis.

Philippe Maystadt, Ministre d’Etat et membre de l’Académie royale de Belgique

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