Philippe Maystadt

Un traité inutile mais nécessaire

Philippe Maystadt Ex-président de la BEI

Pourquoi le tout frais traité sur la stabilité monétaire est si important. Tout en apparaissant très dérisoire.

Vingt-cinq Etats membres de l’Union européenne (sur 27) viennent de signer un « traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire ». Ils ont donc pris le risque de lancer une procédure de ratification en sachant que, dans certains Etats, ce ne sera pas une pure formalité et qu’il faudra dépenser beaucoup d’énergie et de capital politique pour obtenir l’approbation du parlement national et, au moins dans un cas (l’Irlande), un vote majoritaire des citoyens.

Cela en vaut-il vraiment la peine ? Non : le traité n’ajoute guère à l’arsenal législatif existant et n’améliore aucunement la gouvernance de la zone euro. Oui : le traité est nécessaire pour rendre acceptable l’organisation de la solidarité financière au sein de la zone euro.

La plupart de ses dispositions se trouvent dans le « six pack », cet ensemble de six lois récemment approuvées par le Conseil et le Parlement européen. En fait, on élève au niveau du traité et donc on « rigidifie » des normes et procédures qui étaient parfaitement à leur place dans une législation plus aisément adaptable. Le traité ajoute l’obligation pour les Etats de la zone euro d’inscrire dans leur ordre juridique national ce que l’on a erronément appelé la « règle d’or » : à moyen terme, le déficit structurel ne pourra pas dépasser 0,5 % du PIB. Cette disposition ne traduit pas ce que la littérature économique qualifie de « règle d’or » : un Etat ne peut pas emprunter pour financer ses dépenses courantes mais seulement pour financer ses investissements. Or emprunter pour financer la consommation d’aujourd’hui est une forme de spoliation des générations futures mais emprunter pour financer des investissements rentables – qui rapportent plus que la charge d’intérêt – est une forme de dotation aux générations futures.

Une véritable « règle d’or » basée sur cette distinction aurait beaucoup plus de sens.

Quels que soient ses défauts et ses insuffisances, il faudra bien ratifier ce traité. Car Mme Merkel, chancelière allemande, et M. Draghi, président de la Banque centrale européenne, en ont fait une condition, la première pour mettre en place un mécanisme permanent d’assistance aux Etats en difficultés financières et le second pour que la Banque centrale européenne continue à prendre des mesures non conventionnelles. On est dans le pur affichage politique : le traité est censé convaincre les opinions publiques qu’un scénario « à la grecque » ne se produira plus. La tactique l’emporte sur la stratégie. Car la question cruciale reste sans réponse : comment mettre effectivement en oeuvre une stratégie intégrée visant à remettre la finance au service de l’économie et à augmenter le potentiel de croissance et de création d’emplois, seule à même de résoudre les difficultés économiques et sociales de la zone euro ?

Peut-être la volonté annoncée de François Hollande de « renégocier » ou de « compléter » le traité permettra-t-elle d’apporter un début de réponse.

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