© Thinkstock

Un statut légal et des congés parentaux pour les familles d’accueil

Stagiaire Le Vif

En Belgique, on compte 7500 familles qui accueillent quelque 10 000 enfants et adultes en difficulté. Dans 90% des cas, les placements sont de longues durées. Ces familles revendiquent le droit à un statut juridique et à des congés parentaux.

Contrairement à une adoption, l’accueil a pour but un éloignement des parents pour l’enfant en difficulté (parent détenu, perturbé psychologiquement, maltraitant, toxicomane, etc.). Selon les statistiques, l’accueil en famille voit grandir des enfants plus épanouis que dans les institutions et représente une sérieuse économie budgétaire pour l’Etat. Les placements peuvent être de trois types : de courte durée (3 mois ou moins), d’urgence (45 jours maximum) ou à moyen et long terme lorsque le problème familial est grave et durable (jusqu’à 18 ans).

Alors qu’il y a trente ans, seules les familles avec enfant dont la mère était au foyer pouvaient accueillir un enfant, aujourd’hui très peu de conditions sont nécessaires. Un certificat de bonnes vies et moeurs ainsi qu’un certificat médical sont demandés. Les services de placement soumettent ensuite les candidats-parents à une procédure de sélection et vérifient la capacité des parents à veiller sur l’enfant. Au coeur de ce qui pousse des familles d’accueil à passer le pas, on trouve une sensibilité à la problématique des enfants défavorisés et un projet de solidarité fort et enrichissant.

Des congés d’accueil essentiels Les parents d’accueil sont des bénévoles qui ne bénéficient d’aucun statut légal ou de congés parentaux. Une situation jugée inadmissible pour les fédérations francophones et flamandes qui représentent les familles d’accueil. Elles espèrent modifier ces deux points prochainement et les faire figurer au menu de la prochaine législature.

Les familles d’accueil ne bénéficient pas de congés officiels contrairement aux familles d’adoption. Pourtant, ces congés d’accueil sont, selon une majorité d’associations de familles d’accueil, une nécessité en particulier pour les situations d’urgence et pour les enfants en bas âge. Ces enfants fragilisés et cabossés par la vie ont besoin d’une période d’adaptations et les parents d’accueil en ont besoin autant pour sécuriser l’enfant que pour créer des liens.

Selon l’association Porte ouverte (300 familles d’accueil): « Un enfant accueilli dans une famille n’a pas le même droit à la disponibilité de ses parents qu’un enfant biologique ou adopté. C’est d’autant plus regrettable qu’il s’agit d’un enfant fragilisé par les souffrances et les ruptures vécues, qui auront besoin de temps pour faire confiance, se construire, osé avoir un projet de vie. (…) Un parent d’accueil n’a pas accès à un congé parental alors qu’il assume les mêmes responsabilités et rencontre les mêmes difficultés que les autres parents ». Selon Xavier Verstappen, directeur de l’Accueil Familial, « Ce débat est primordial dans le décret de l’aide à la jeunesse. Il y a de moins en moins de familles candidates et le temps pré-accueil demande une énergie incroyable tant physique qu’émotionnelle. Le manque de congés parentaux pour les familles d’accueil est une aberration. Ils permettraient de retrouver un équilibre familial inévitablement bouleversé par l’arrivée de l’enfant ».

Une absence de statut handicapante

Concernant le statut juridique du parent d’accueil, le débat semble plus délicat. L’absence de statut légal se fait ressentir concrètement lors de déplacements à l’étranger, de problèmes médicaux et de démarches administratives. A titre d’exemple, il faut une autorisation des parents biologiques pour quitter le territoire. Difficile donc d’improviser un week-end dans les Vosges. « Pour les grandes vacances, forcément planifiées longtemps à l’avance, nous contactions le service de placement qui essayait d’obtenir l’autorisation de la maman, puis, faute de pouvoir la contacter, le demandait au SPJ. En moyenne, il fallait 2 mois pour la recevoir. Mais pour toutes ces petites escapades imprévues… comment faire? Eh bien, on se passait de l’autorisation, se contentant d’une copie du placement annuel des fois qu’on serait contrôlé à la frontière » témoigne une mère d’accueil. L’allègement de certaines démarches administratives serait une solution. D’autant plus qu’elles deviennent un véritable parcours du combattant pour certaines familles lorsque le parent d’origine est introuvable par exemple.

Le problème est néanmoins épineux, car l’autorité parentale reste aux mains du parent d’origine tant qu’il n’a pas été déchu de ses droits parentaux. Cette logique se veut respectueuse d’un parent séparé de force de son propre enfant pour une durée temporaire. Selon Maire-Claire Honoré, Présidente de la Fédération des Services de Placement Familial, « L’idéal serait une coparentalité, comme lorsqu’un couple se sépare ». Le vide juridique s’avère aussi éprouvant émotionnellement lors d’un retour auprès des parents après un placement à long terme. Un parent d’accueil explique : « Nous comprenons bien que les parents d’accueil ne disposent pas de tous les droits. Mais si un enfant d’accueil réside depuis des années dans une famille alors qu’il n’y a plus le moindre contact avec ses propres parents, nous ne comprenons pas que le législateur ne soit pas capable de prévoir les exceptions adéquates ». Les Pays-Bas autorisent les parents d’accueil à s’opposer au retour de l’enfant et l’Allemagne attribue automatiquement l’autorité parentale au parent d’accueil.

Financièrement, la famille nourricière perçoit chaque jour un défraiement qui dépend du secteur et de l’âge de l’enfant ou de l’adulte placé et qui est versé par l’Etat. Le subside est d’environ 443 euros par mois et par enfant pour supporter tous les frais, aussi bien alimentaires que scolaires ou médicaux. Accueillir un enfant reste un sacrifice financier important et le manque de congé d’accueil le renforce. Le parent d’accueil est contraint de prendre des crédit-temps sans motif, moins indemnisés par l’ONEM : 400 euros par mois contre 707 euros pour le congé parental. De quoi décourager un certain nombre de famille qui voudrait se lancer dans l’aventure.

Ce découragement découle aussi d’un manque de reconnaissance des familles d’accueil qui se sentent mal considérées par la société. Le don de soi qu’un accueil implique est immense : justifications incessantes, déplacements pour que l’enfant conserve un contact parental, temps, argent, déséquilibre familial, etc. Pourtant, pour beaucoup, ils ne sont « que » des familles d’accueil.

Le débat concernant les revendications énoncées est éminemment complexe puisqu’imbibé de sentiments humains. Reste à rappeler que le manque de famille d’accueil est grave en Belgique : plus de 200 enfants sont actuellement en attente d’un foyer temporaire.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire