" Il faut établir des priorités, parce que la Région n'aura jamais les moyens de tout assainir. " © HATIM KAGHAT POUR LE VIF/L'EXPRESS

« Un sol pollué est un vrai fardeau »

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Pour le toxicologue Alfred Bernard (UCL), il est crucial d’établir un diagnostic précis mais raisonnable de l’état des sols wallons. Si le politique ose ouvrir la boîte de Pandore.

La Wallonie ne dispose d’aucun cadastre des sols pollués. Est-ce surprenant ?

Avoir un tel cadastre me semble être une évidence, a fortiori dans le cas des stations-service, où la nature de la pollution est assez bien définie. Il est étonnant qu’un tel inventaire n’existe pas encore. Il serait utile d’effectuer le même travail pour les anciennes activités industrielles. Mais les sites à répertorier seraient nombreux, vu le lourd passé du sillon Sambre-et-Meuse. La masse critique d’expertise pose problème dans les petits pays, surtout quand les compétences sont régionalisées. Il faut donc opter pour une gestion raisonnée. Et établir des priorités, puisque la Région n’aura jamais les moyens de tout assainir.

Quelles peuvent être les risques liés à la pollution d’une station-service ?

Ces sites constituent une priorité absolue, puisqu’ils sont susceptibles d’affecter les nappes phréatiques, où les polluants restent des années. Sur le long terme, une station-service est parfois plus polluante qu’une décharge. En revanche, les risques directs sont souvent noyés par le risque ambiant. Quand on fait le plein en centre-ville, il est bien plus dangereux d’inhaler une grande quantité de particules fines qu’un peu de benzène, un hydrocarbure cancérigène. Il faut donc uniquement assainir les sols quand c’est nécessaire, toujours dans l’optique de protéger la santé publique.

Le sud du pays s’est-il attaqué trop tardivement à ces sols pollués ?

Oui, je pense. Mon inquiétude, c’est qu’il existe tellement de sites pollués qu’on n’ose pas ouvrir la boîte de Pandore. Cela rejoint le problème de la gestion des déchets de manière générale. La Wallonie a toujours eu peur de la destruction des déchets ultimes. En l’absence d’incinérateurs, elle ne sait pas où les mettre. C’est cette forme de rejet systématique qui a débouché sur la crise de la dioxine, en 1999. On a voulu recycler à tout prix, jusqu’à opter pour des alternatives dangereuses. Il en va de même pour l’épandage des boues des stations d’épuration urbaines en zone agricole. Tout cela sans le moindre contrôle. Là, on parle de milliers de substances nocives. Que l’on retrouvera tôt ou tard dans nos aliments.

Peut-on se passer d’assainir certains sites ?

Un sol pollué est un vrai fardeau pour les générations futures si on ne fait rien. Soit sur le plan sanitaire, soit sur le plan financier, puisqu’un assainissement coûte horriblement cher. Mais il faut admettre certaines erreurs du passé. Tout dépend donc de l’affectation du site. On peut par exemple se poser la question pour le futur Trilogiport de Liège (NDLR: situé sur un terrain de 100 ha assaini par les pouvoirs publics). Si c’est pour faire une dalle de béton, il est inutile de s’attaquer à une pollution historique. L’impact sanitaire proviendra du site en lui-même. Mieux vaut, dans ce cas, consacrer les moyens à la réduction des particules fines émises par les camions qui y circuleront.

Les règles en matière d’études de sols sont bien plus simples à Bruxelles…

Oui, mais la Wallonie présente des types de sols très différents par rapport à la capitale et à la Flandre, qui n’ont pas non plus son passé industriel. Il faut se méfier de la simplification à outrance. Une erreur de causalité peut s’avérer catastrophique pour celui qui est accusé à tort.

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