Gérald Papy

Un Sarkozy nouveau ?

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Malgré un air de déjà-vu en raison de la reconduction de François Fillon au poste de Premier ministre, le remaniement du gouvernement français opéré le dimanche 14 novembre marque un tournant dans la politique de Nicolas Sarkozy.

Interviewé mardi soir sur les chaînes de télévision, le président de la République française a eu beau justifier par la contrainte d’un gouvernement resserré (30 ministres et secrétaires d’Etat contre 37 auparavant) la réduction concomitante des personnalités d’ouverture, des figures de la diversité et des centristes au sein de l’équipe Fillon III. Le constat est là. L’Histoire retiendra qu’après trois ans et demi d’exercice du pouvoir, Nicolas Sarkozy a abandonné plusieurs lignes de force qui avaient guidé son action à l’entame de sa présidence.

Oubliée, l’ouverture – relative – à gauche à la suite des départs de Bernard Kouchner (Affaires étrangères) et de Jean-Marie Bockel (secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la Justice). Réduite, la représentation de la diversité avec les évictions de Fadela Amara (Politique de la ville) et de Rama Yade (Sports) après celle, plus spectaculaire et plus expéditive, de Rachida Dati (Justice)… Encore est-ce devenu un grand classique de la politique française de déconsidérer les innovations audacieuses – en fait, le plus souvent des gadgets – que l’on a tant mis en exergue médiatiquement quelques années plus tôt : les « juppettes » du gouvernement Alain Juppé en 1995, les personnalités de la société civile, de Luc Ferry à Claude Allègre, sous Chirac et Mitterrand…

Plus fondamentalement et au-delà des questions de personnes, le remaniement du gouvernement Fillon traduit trois renoncements du candidat Sarkozy à l’élection présidentielle de 2007. Dans son discours au soir de la victoire, le jeune président élu avait porté au rang de priorité la défense des droits de l’homme et de la femme. L’échec du très humanitaire Bernard Kouchner aux Affaires étrangères, entravé qu’il a été par la mainmise de l’Elysée sur la politique internationale, est aussi l’échec d’une vision, que l’abandon du secrétariat aux Droits de l’homme annonçait. La disparition de l’emblématique ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, et le fiasco du débat éponyme, illustre un deuxième renoncement que le président a mis sur le compte d’une crispation sur la forme plus que sur celui d’une divergence de fond sur l’objectif recherché : prévenir « l’effondrement du système d’intégration ». Enfin, avec le retrait de Jean-Louis Borloo (Ecologie), un temps pressenti Premier ministre, et celui d’Hervé Morin (Défense), c’est la coopération avec le centre qui est la dernière victime du remaniement. Avec les conséquences prévisibles sur l’émiettement des forces de droite lors de la présidentielle de 2012.

Est-ce à dire que le gouvernement Fillon III n’aura pas la dimension sociale qu’aurait eue une équipe Borloo Ier ? Pas sûr. D’une part, parce que François Fillon, issu de la droite conservatrice classique, aura à coeur de démentir cette prédiction. Croissance, emploi, solidarités et sécurité ont été les priorités affichées lors de sa première prise de parole publique comme Premier ministre reconduit. D’autre part, parce que Nicolas Sarkozy a dessiné, lors de son interview télévisée, les contours d’une fin de présidence plus humble, même s’il lui en coûtera. Et si le mari de Carla Bruni était tenté de s’en écarter, nul doute que François Fillon, « un antidote à la gesticulation et au bling-bling », comme l’a écrit Le Monde, n’hésiterait pas, cette fois-ci, à le lui rappeler. Car, et c’est là une des évolutions marquantes de la nouvelle donne politique en France, le rapport de force entre l’hyper-président et celui appelé à devenir peut-être un hyper-Premier ministre a considérablement changé.

Gérald Papy

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