» Un projet Wallonie-Bruxelles, ça n’a pas de sens « 

Au moment où Ecolo fête ses trente ans, le « dissident » Paul Lannoye fait son coming-out régionaliste. « J’en ai marre que les Wallons s’arc-boutent sur une position défensive », lance-t-il. En avant pour une Wallonie autonome, voire indépendante, donc. Sans Bruxelles.

Doctrinaire et aride pour les uns. Visionnaire et combatif pour les autres. Paul Lannoye a transformé le paysage politique belge en fondant Ecolo, avec José Daras et quelques autres. C’était en 1980. Secrétaire fédéral du parti vert (on ne disait pas encore « coprésident »à l’époque), conseiller communal à Namur, sénateur, puis député européen : le parcours de Paul Lannoye s’achèvera en eau de boudin en 2003. En ticket avec Bernard Wesphael, il échoue dans sa tentative de reconquérir la tête d’Ecolo, face au duo Jean-Michel Javaux-Evelyne Huytebroeck. Un an plus tard, Lannoye claque la porte. Voilà pour la bio officielle…

Moins connus sont ses premiers pas en politique, dans les rangs du Rassemblement wallon, dont il a présidé la fédération namuroise. « C’était un parti prometteur, lors de sa création, en 1968. Hélas, il s’est vite enlisé dans des querelles fratricides. Je n’aimais pas le positionnement de Jean Gol, élitiste et méprisant pour les classes populaires. » Paul Lannoye quitte le RW en 1972, pour £uvrer à la construction d’une force écologiste nouvelle. « Mais je n’ai jamais renié le combat régionaliste », dit-il.

Le Vif/L’Express : Toujours pas de gouvernement, plus de cent jours après les élections fédérales. Cela vous inquiète ou vous laisse indifférent ?

Paul Lannoye : Ce qui me désole, c’est l’attitude des partis francophones. Ils se contentent de négocier un refinancement pour Bruxelles et quelques garanties pour les francophones de la périphérie. Quelle erreur ! En face de nous, nous avons des séparatistes qui veulent la fin du pays. Olivier Maingain, le président du FDF, n’a pas tort quand il rappelle qu’on ne peut pas accepter que Bruxelles soit enclavée en Flandre. L’élargissement de la Région bruxelloise doit être sur la table. Sinon, on achète un chat dans un sac.

Les partis flamands refuseront le moindre élargissement de Bruxelles. Vous le savez.

La Région bruxelloise pourrait s’élargir vers le sud, en englobant des communes flamandes, comme Rhode-Saint-Genèse, mais aussi des communes wallonnes, comme Waterloo. Cela aiderait à faire passer la pilule aux Flamands. Toutefois, j’insiste, rien ne peut se faire sans le consentement des populations concernées.

Le but de cet élargissement serait aussi de « réunifier l’espace francophone », selon l’expression de Joëlle Milquet ?

Non. Il y a trois Régions dans ce pays. On a joué l’ambiguïté jusqu’à présent, en maintenant le flou sur le rôle des Communautés et des Régions, et sur les rapports entre Bruxelles et la Wallonie. Il est temps de trancher. Moi, je suis pour un vrai projet Wallonie. Un projet Wallonie-Bruxelles, ça n’a pas de sens. Les Bruxellois eux-mêmes n’en veulent pas. Et je les comprends : ils ne sont pas wallons. La culture populaire bruxelloise, même si elle n’existe plus beaucoup, était une culture flamande. On doit en tenir compte, car tout ce qui se passe maintenant est un héritage du passé.

Votre choix du coeur, ce serait une Wallonie indépendante ?

A vrai dire, je m’en fous un peu… Si la Belgique reste sous une autre forme, cela ne me dérange pas. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que la séparation soit praticable, étant donné la position de Bruxelles. Je remarque juste qu’il y a en Europe plusieurs Etats plus petits que la Wallonie. La Slovénie compte deux millions d’habitants, et c’est un pays qui n’est pas ridicule du tout. Je ne suis pas pour l’émiettement, mais j’en ai marre que les Wallons s’arc-boutent sur une position défensive. Moi, je suis pour une position offensive. Je ne vois pas ce qu’il y a de scandaleux à vouloir l’autonomie de la Wallonie. Bien sûr, si on a une vision du passé, la Wallonie est perdante. Mais si on a une vision du futur, ce n’est pas vrai. L’industrie pétrochimique flamande, je ne sais pas ce que ce sera dans vingt ans. J’ai l’impression que ce sera un désastre. En Wallonie, nous avons encore des ressources naturelles que la Flandre n’a plus : de l’eau, de la forêt, des terres agricoles.

Le rattachement de la Wallonie à la France, c’est une option ?

Non, c’est une idée folle. Je n’ai pas envie de me retrouver dans un Etat autoritaire, aussi peu respectueux de ses citoyens et de ses régions. Une Wallonie autonome en France, ce serait impossible. Par contre, qu’on noue des relations privilégiées avec la France, notamment dans le domaine de l’enseignement, pourquoi pas ?

Ecolo a fêté ses trente ans le week-end dernier. Sans vous. Pas de regrets ?

Pas du tout. L’écologie d’accompagnement à la Javaux, ces petits aménagements qui ne remettent pas en cause la logique du capitalisme, ça ne me plaît pas du tout.

FRANÇOIS BRABANT

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