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 » Un plan B n’a pas de sens « 

A contre-courant, le bourgmestre de Verviers, Claude Desama (PS), estime que réfléchir à l’après-Belgique, c’est perdre son temps.

Le bourgmestre CDH de Charleroi, Jean-Jacques Viseur, a dégainé le premier, appelant à »oser la carte d’un nationalisme wallon ». Son homologue namurois, Jacques Etienne, CDH lui aussi, a tiré peu après, réclamant le droit de  » chérir comme une patrie  » la Wallonie. Le mayeur d’une autre grande ville wallonne, Verviers, sort à présent du bois. Pour Claude Desama, les transferts de compétences vers les Régions ne sont pas des  » concessions « , mais au contraire  » l’aboutissement d’un courant de pensée fédéraliste « .

Depuis Verviers, comment percevez-vous les négociations actuelles, qui doivent aboutir à la 6e réforme de l’Etat ?

Verviers, c’est la ville où s’est tenu le grand congrès des socialistes wallons de 1967, où le parti a choisi une ligne fédéraliste et régionaliste. Même si je n’ai jamais aimé le wallingantisme exacerbé de Van Cau et consorts, je reste un chaud partisan du fédéralisme – une organisation de l’Etat qui permettait à la Wallonie d’être maîtresse de son sort, de ne pas subir le détournement vers la Flandre de moyens nécessaires à son redéploiement. Que la prochaine réforme de l’Etat aboutisse à des transferts de compétences vers les Régions, non seulement ça ne me fait pas peur, mais ça correspond à ce que nous souhaitions depuis longtemps. C’est l’aboutissement d’un courant de pensée fédéraliste. Je lis régulièrement que les francophones ont fait des concessions aux Flamands en acceptant de vastes transferts de compétences. Ce sont peut-être des concessions pour le CDH ou Ecolo, mais pas pour les socialistes wallons.

On assiste, ces derniers jours, à un spectaculaire retour en grâce du régionalisme wallon, bien au-delà des rangs socialistes.

C’est le zèle des convertis. Jacques Etienne et Jean-Jacques Viseur appartiennent à un parti qui a toujours freiné des quatre fers lors des différentes réformes de l’Etat. Et ils sont contredits par Joëlle Milquet. Sur le fond, leurs déclarations révèlent un manque de maturité. Il ne faut pas sombrer dans ce prurit nationaliste qui paralyse aujourd’hui la Flandre. Le nationalisme a entraîné la Flandre dans l’irrationnel. Je ne veux pas que ça arrive aux Wallons. Ce qui importe, c’est de trouver une nouvelle formule pour nos relations avec la Flandre. C’est pourquoi je ne suis pas tout à fait d’accord avec ceux qui, ces derniers temps, insistent pour préparer l’après-Belgique…

Imaginons que les négociations en cours précipitent la fin de la Belgique. N’est-ce pas le moment de réfléchir à un plan B ?

Cela n’a pas de sens. Dans le contexte de la construction européenne, ce serait absurde de ne pas arriver à maintenir un Etat commun avec la Flandre.

Absurde, peut-être. Mais le forcing de la N-VA peut nous y conduire.

Les Flamands ne le feront pas. Sans Bruxelles, il y a déjà longtemps que la Belgique n’existerait plus. Mais aucune des deux communautés de ce pays ne voudra abandonner Bruxelles à l’autre. Et puis, une identité bruxelloise s’est constituée ces dernières années. Les Flamands ont encore du mal à l’accepter, mais bon…

Le CD&V et la N-VA, justement, refusent de reconnaître Bruxelles comme une Région à part entière.

Les faits sont plus têtus que les lords-maires. Bruxelles, c’est vrai, devra sans doute faire un effort, devenir une ville-région comme Hambourg ou Brême. Aujourd’hui, la Région bruxelloise est morcelée en 19 communes. Ce n’est pas le top du top de la gouvernance. A l’avenir, il faudra qu’elles s’intègrent davantage dans la Région. On y gagnerait en efficacité.

A entendre le ministre-président bruxellois Charles Picqué (PS), l’heure est pourtant grave. « Le plan B doit être sur la table », estime-t-il. Il se trompe ?

Réfléchir au plan B aurait du sens si on pouvait imaginer un divorce à la tchécoslovaque. Mais le verrou bruxellois rend ce scénario-là impossible. On peut tourner les choses comme on veut : il y a au moins une chose que les Flamands et les Wallons ont en commun, c’est Bruxelles.

Laurette Onkelinx, Jean-Claude Marcourt, Philippe Moureaux… Tous participent en première ligne aux négociations. Peut-être perçoivent-ils, mieux que vous, que ça sent le roussi pour la Belgique.

Je peux comprendre un certain énervement. L’agacement peut amener les négociateurs à dire au camp d’en face : allez vous faire foutre. Si on considère les choses froidement, on voit cependant que les conditions ne sont pas réunies pour un divorce à l’amiable avec les Flamands.

ENTRETIEN : FRANCOIS BRABANT

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