© Franky Verdickt

Un meurtre sur deux n’est jamais découvert en Belgique

Muriel Lefevre

« À cause d’une gestion calamiteuse du secteur de la médecine légale, plusieurs dizaines de corps sont enterrés ou incinérés par an sans qu’on ait réussi à déterminer s’il s’agissait de meurtre ou non » nous dit Wim Van de Voorde, professeur de médecines légales à Louvain .

Professeur en médecines légales, Van de Voorde a sa propre unité de police scientifique à Louvain. Il tire la sonnette d’alarme. L’université prend la moitié des coûts de la cellule à sa charge et du même coup sponsorise, de facto, la Justice. La facture s’élève à plusieurs millions d’euros par an. Cela peut prendre trois ans avant que l’état règle ses factures, et ce, sans payer d’indemnités de retard. Sans compter que le département des frais de justice pinaille systématiquement sur le nombre d’heures prestées, les kilomètres parcourus, les indemnités liées aux horaires de nuits et ainsi de suite.

La situation est à ce point catastrophique que les médecins légistes parlent de plus en plus ouvertement d’une probable disparition de leur métier. Avec à peine une vingtaine de médecins légistes actifs dans le pays et avec le départ en pension d’une moitié d’entre eux d’ici 10 à 15 ans, l’hémorragie est patente. Surtout si la tendance d’une jeune génération découragée qui jette l’éponge se confirme.

150 meurtres passent inaperçus chaque année

Même le collège des procureurs généraux s’est fendu d’une lettre le 5 décembre dernier au ministre de la Justice pour signaler l’ampleur du phénomène. Pour ne rien arranger, les laboratoires de la police judiciaire sont noyés sous la tâche. Le nombre de morts suspectes dans l’arrondissement d’Anvers a augmenté d’un quart (on est passé de 300 à 380 cas). Une augmentation qui serait une tendance générale.

Pour le professeur Wim Van de Voorde « Il ressort des études qu’un meurtre sur deux ne serait jamais découvert. Cela veut dire que 150 meurtres par an passent complètement inaperçus. Cela est dû au fait que l’on n’ordonne pratiquement jamais d’autopsie en Belgique. À peine sur 1% des morts. Or c’est en pratiquant davantage d’autopsies que l’on peut se permettre d’éclaircir les causes de la mort. »

La justice met la pression pour qu’on fasse moins appel aux experts médico-légaux. Même dans les dossiers de viols, on effectue des économies. Au service de Van de Voorde la pile des cas à traiter ne cesse de croître. « Pour 75% des échantillons contenant des traces de sperme utilisable, on n’effectue pas d’analyse ADN… A quoi joue-t-on ? »

(CDS) / Trad ML

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