Philippe Maystadt

Un « kern » pour la communication ?

Philippe Maystadt Ex-président de la BEI

La plupart des commentaires après les élections européennes du 25 mai ont souligné les résultats contrastés : poussée des eurosceptiques dans plusieurs pays, en particulier en France et au Danemark ; progrès des partis pro-européens dans d’autres pays, notamment aux Pays-Bas et en Italie. Ils ont ensuite porté sur le choix du président de la Commission et sur l’opposition entre quelques gouvernements et le Parlement européen. Il faudra bien que le gouvernement du Royaume-Uni, terre d’origine de la démocratie parlementaire, admette qu’en Europe aussi, c’est le Parlement qui a le dernier mot dans le choix du chef de l’exécutif.

En revanche, il y a eu peu de commentaires sur la manière dont les institutions européennes devraient fonctionner à l’avenir pour être plus efficaces et mieux répondre aux attentes des citoyens. Parmi ces institutions, la Commission a évidemment un rôle clé puisque c’est elle qui doit en principe faire les propositions et ensuite, si elles sont acceptées, les mettre en oeuvre. Mais, pour remplir correctement ses missions, elle a besoin d’une sérieuse réorganisation.

Il est évident que les membres de la Commission sont trop nombreux. Le principe de collégialité est difficile à appliquer avec 28 personnes autour de la table et la distribution des compétences aboutit à des portefeuilles parfois dérisoires. Conséquences : une inflation de directions générales (chaque commissaire veut avoir sa DG) et une multitude d’initiatives dans des domaines dont l’Europe ne devrait pas s’occuper (il faut bien que chaque commissaire montre qu’il a quelque chose à faire, même si c’est au mépris du principe de subsidiarité). Pire, des commissaires occupent leur temps libre en s’érigeant en avocats des intérêts spécifiques de leur pays alors qu’un commissaire doit au contraire, selon les termes du Traité, « promouvoir l’intérêt général de l’Union ».

Idéalement, il faudrait réduire le nombre de commissaires. Le traité de Lisbonne avait prévu de le ramener à 19. Toutefois, pour obtenir la ratification de l’Irlande, on a promis que cette disposition ne serait pas appliquée et qu’il y aurait encore un commissaire par pays. Dès lors, il faut que le futur président de la Commission impose des modalités d’organisation et de fonctionnement qui atténueront les conséquences négatives du trop grand nombre de commissaires et qui restaureront l’autorité, l’efficacité et la crédibilité de cette institution.

Si ce président est Jean-Claude Juncker, il pourrait s’inspirer d’un modèle qu’il connaît, celui du « kern » belge réunissant le Premier ministre et les vice-Premiers. Transposé au niveau de la Commission, cela pourrait signifier la nomination de cinq vice-présidents qui, chacun, superviserait et coordonnerait un groupe de commissaires qui seraient tenus de travailler ensemble. Ces groupes de commissaires devraient être formés en fonction des priorités politiques de la nouvelle Commission. Par exemple, Jean-Claude Juncker a annoncé qu’une de ses cinq priorités serait de préparer la transition énergétique et de constituer une Union européenne de l’énergie. Cela impliquerait qu’un vice-président soit en charge de cette priorité et reçoive l’autorité de coordonner l’action des commissaires et des directions générales Energie, Industrie, Transport, Environnement et Climat. Le « kern » du président et des vice-présidents se réunirait chaque semaine, préparerait les arbitrages politiques et serait dès lors la « force motrice » de l’ensemble de la Commission.

par Philippe Maystadt Président de la Fondation « Ceci n’est pas une crise »

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