Un gouvernement avec la N-VA effraie les limiers du fisc

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

A l’Inspection spéciale des impôts (ISI), on s’inquiète de l’éventualité d’un gouvernement de centre droit. En particulier avec la N-VA, très tolérante lorsqu’il s’agit de fraude dans le secteur du diamant anversois.

Mine de rien, l’ISI engrange plutôt de bons résultats, ces dernières années. Les « cow-boys » du fisc n’ont pas chômé. Les suppléments d’impôts qu’ils ont réclamés aux grands fraudeurs s’élevaient à 1,3 milliard d’euros en 2013, contre 1,5 milliard en 2012, 1,2 en 2011 et 800 millions en 2010. Aussi n’est-il pas étonnant que le plan opérationnel 2014 du bras armé de l’administration des Finances prône une certaine continuité. « La lutte contre la fraude fiscale grave reste une priorité absolue pour les années qui viennent », martèle son administrateur général, Frank Philipsen.

Il faut dire que l’ISI a bien fourbi ses armes, depuis deux ou trois ans. D’abord, en matière de moyens humains. Grâce aux derniers recrutements (essentiellement en 2012), plus de 700 fonctionnaires travaillent aujourd’hui pour cette division spéciale qui est, en outre, autonome du reste de l’administration fiscale depuis septembre 2013. Un atout qui lui permet de recruter des agents n’ayant pas fait carrière auparavant dans un service classique du fisc (contributions directes, TVA…), et donc épargnés par ce que certains considèrent parfois comme les « mauvaises » pratiques.

Autre arme : l’ISI vient de retrouver ses compétences en matière de contrôle des prix de transferts. Il s’agit d’une importante problématique fiscale propre aux grandes entreprises, liée aux échanges entre entités d’un même groupe, situées dans des pays différents. La manipulation des prix de transferts est un vecteur d’évasion fiscale qui préoccupe les pays de l’OCDE. Or, depuis 2006, sous Didier Reynders (MR), l’ISI n’était plus compétente en la matière, une cellule ayant été créée au sein même de l’administration générale de la fiscalité. Certains y avaient vu une tentative de lever le pied. Mais, fin 2013, le secrétaire d’Etat pour la lutte contre la fraude, John Crombez (SP.A), a remis les choses en place.

Forte de tous ces acquis, l’ISI voit d’un oeil très circonspect – sans, bien sûr, que ce soit clairement dit – les tentatives de constitution d’une majorité fédérale de centre droit. La N-VA, en particulier, est visée. Car, en matière de lutte contre la fraude fiscale, elle a toujours évité de se prononcer sur les grands dossiers comme celui des assurances-vie contractées au Luxembourg, notamment par le haut de la classe moyenne flamande. Elle n’a surtout jamais pris position contre les diamantaires anversois fraudeurs. Au contraire.

Bart De Wever, qui dégaine à la moindre « affaire » en Wallonie, fait preuve d’une remarquable indulgence vis-à-vis des scandales qui secouent le monde diamantaire de la ville dont il est bourgmestre. En 2010, il a lui-même rédigé, avec le CD&V, l’Open VLD et le CDH, une proposition de loi prévoyant que les enquêteurs ne pourraient plus saisir des diamants ou des biens appartenant à une entreprise sans demander l’avis d’un expert sectoriel, comme l’Antwerp World Diamond Centre par exemple. Le texte a été recalé par le Conseil d’Etat.

Par ailleurs, juste avant les dernières élections, la N-VA était le seul parti d’opposition à soutenir la proposition du ministre des Finances Koen Geens (CD&V) qui voulait accorder un régime fiscal sur mesure aux diamantaires anversois, la « taxe carat », à laquelle John Crombez (SP.A) s’est vivement opposé. Tout cela ne rassure pas l’ISI qui traite de gros dossiers tels celui de la banque HSBC impliquant, entre autres, 200 familles de diamantaires anversois…

Thierry Denoël

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire