© Frédéric Pauwels

Un débat sur les couvre-feux

L’été est propice à l’adoption de règlements relatifs aux rassemblements de jeunes, la nuit. Un couvre-feu existe déjà dans de nombreuses communes wallonnes. Ecolo tente de porter le débat au niveau fédéral pour obliger tous les partis à se positionner clairement.

C’est surtout le dernier couvre-feu instauré en région liégeoise qui a fait réagir les verts. En novembre dernier, le collège communal de Seraing adoptait un nouveau règlement plutôt draconien : interdits les attroupements de mineurs d’âge de nature à »troubler la paix ou la tranquillité des habitants, par des chants, cris, bruits, sérénades, illuminations… ». Les jeunes qui se font pincer en rue entre 22 et 6 heures sont emmenés au poste de police où leurs parents viendront les chercher. Ils risquent une amende administrative de 125 à 250 euros.

« Nous étions confrontés à des problèmes de vandalisme et de tapage nocturne avec des bandes de jeunes dans certains quartiers, justifie le bourgmestre Alain Mathot (PS) qui réfute le terme de « couvre-feu ». Les contrôles de police classiques ne permettaient pas d’enrayer le phénomène. J’ai voulu donner un outil légal particulier aux policiers. »

Jugeant cette réglementation trop sécuritaire, le député Ecolo Eric Jadot, un Liégeois, a décidé de réagir. En janvier dernier, il a d’abord posé une question parlementaire à la ministre de l’Intérieur. Annemie Turtelboom (Open VLD) a dû reconnaître qu’on pouvait douter de la conformité du règlement de Seraing à la lumière de la jurisprudence du Conseil d’Etat. En effet, selon cette juridiction, une mesure telle qu’un couvre-feu doit respecter la règle de la proportionnalité. Traduction : il doit être limité dans le temps, à une zone géographique et répondre à une situation problématique particulière. Ce qui n’est apparemment pas le cas à Seraing. Le nouveau règlement communal n’a cependant pas été attaqué devant le Conseil d’Etat…

Une position claire

« Cela peut encore se faire, assure Eric Jadot, bien que les délais pour saisir le Conseil d’Etat soient dépassés, mais nous préférons porter le débat sur le terrain politique, au niveau fédéral. » Il faut dire que, ces dernières années, les couvre-feux ont fait l’objet d’une véritable contagion dans les communes du sud du pays. Selon l’Union des villes et communes wallonnes (UVCW), près d’une sur dix aurait déjà approuvé un arrêté ou un règlement de ce type, ciblant les attroupements de jeunes la nuit. Aucun recensement n’a été effectué mais, selon toute vraisemblance, la région liégeoise détient la palme des couvre-feux. De nombreux mayeurs socialistes (Bassenge, Fléron, Soumagne, Beyne-Heusay, Ans, Grâce-Hollogne…) ont succombé aux sirènes de cette réglementation.

En guise d’amorce pour le débat, les Liégeois d’Ecolo-j ont tout récemment écrit une lettre au conseil d’arrondissement de l’aide à la jeunesse (CAAJ), dont le rôle est d’observer les besoins des jeunes sur le terrain. « Nous devons encore nous positionner mais il est clair que nous sommes plutôt anti-couvre-feux », annonce Pedro Vega du CAAJ liégeois.

Suite logique : la ministre de l’Aide à la jeunesse de la Communauté française, Evelyne Huytebroeck (Ecolo), sera bientôt saisie par le CAAJ. Ensuite, Ecolo compte obliger les autres partis – le PS en tête – à se positionner clairement sur ce type de mesure. « Le but serait soit d’interdire carrément les couvre-feux ciblant les jeunes, soit d’obliger le ministère de l’Intérieur à encadrer les communes qui adoptent un tel règlement pour éviter les dérives », explique Jadot. On se souvient qu’une résolution semblable avait été lancée en 2005 par les députés fédéraux Denis Ducarme (MR) et Patrick Moriau (PS), soucieux de cadrer les initiatives communales. Mais leur proposition est restée lettre morte. Les verts seront-ils plus persuasifs ? Alain Mathot se dit, en tout cas, prêt à en discuter au Parlement.

En attendant, le débat est déjà annoncé, cet été, à Thuin, la commune du ministre régional wallon Paul Furlan (PS). Dans la paisible capitale de la Thudinie, le conseil communal avait adopté une ordonnance « couvre-feu » dès 2005, puis un règlement imposant la fermeture des bistrots à 2 heures. Le second est toujours en vigueur.

« Une table ronde avec tous les acteurs concernés sera organisée début juillet pour évaluer l’efficacité de la mesure, promet Philippe Blanchart, le bourgmestre faisant fonction. Nous voulons éviter qu’à l’heure de fermeture obligatoire des cafés, les jeunes prennent le volant pour continuer la fête à Charleroi. » Les accidents de la route sont la première cause de mortalité chez les 20-25 ans… A suivre.

THIERRY DENOËL

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire