Bart De Wever © BELGA

« Un Coca Zero ne lève pas le soupçon de conflit d’intérêts dans un dossier d’immobilier »

En toutes circonstances, les politiques doivent éviter tout soupçon de conflit d’intérêts, ce qui se révèle difficile dans les dossiers immobiliers.

 » t Was ne linkador, ne pei mè vossekluute » (que l’on pourrait traduire par c’était un arrangeur, un type rusé) : c’est ainsi qu’on parlait dans les cafés populaires bruxellois de l’ex-Premier ministre, Paul Vanden Boeynants et, soyons clairs, c’est un compliment. Quand il était échevin bruxellois, VDB a promu le projet de Manhattan : il souhaitait transformer le Quartier Nord en quartier d’affaires américain doté de tours WTC. Le projet a été réalisé et il est toujours entouré d’un soupçon de conflit d’intérêts et de copinage. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas appauvri le promoteur immobilier Charly De Pauw, un hôte apprécié de VDB. Il faudrait attendre 1985 pour que le tribunal correctionnel bruxellois condamne VDB, également mis en cause par des achats militaires douteux, à trois ans de conditionnelle. Le juge Carlos Amores y Martinez Amore n’a pas hésité à le qualifier de « fraudeur viscéral, invétéré et incorrigible. »

L’immobilier est toujours entouré d’un soupçon de magouille. Tous ceux qui ont acheté un jour un bout de terrain ou une maison à qui le notaire a demandé : « Quel montant doit être repris dans l’acte ? » le savent. Dans le cadre de projets immobiliers lucratifs, il est tentant de « soigner » les gens qui doivent délivrer les autorisations et les accords. Là où l’on gère d’immenses montants, la corruption guette. Dans les affaires immobilières, beaucoup de parties sont impliquées – architectes, agents immobiliers, financiers, firmes de constructions et promoteurs. Et la valeur d’un bien immobilier est toujours sujette à discussion, ce qui fait qu’il est difficile de détecter les magouilles.

La semaine dernière, l’émission de la VRT Pano a dénoncé les conflits d’intérêts dans plusieurs grands projets de constructions à la côte. Et non des moindres. Elle a diffusé des récits de conflits d’intérêts à Knokke, Middelkerke et Coxyde. Ainsi, Marc Vanden Bussche, le bourgmestre de Coxyde, serait impliqué dans la construction de 339 service-flats de luxe. Son avocat déclare que si « le bourgmestre investit dans sa propre commune, il n’y a pas de mal à ça. Il n’y a pas non plus la moindre preuve de conflit d’intérêt. » Cependant, un bourgmestre qui participe en tant qu’agent immobilier à de grands projets : cela évoque pour le moins le soupçon de conflit d’intérêts. Et c’est ce qu’un bourgmestre doit éviter.

La semaine dernière, il y a également eu une polémique autour d’une vidéo diffusée par le site d’informations Apache. Dans cette vidéo, on voit le bourgmestre anversois Bart De Wever (N-VA) se rendre au restaurant ‘t Fornuis à l’invitation d’Erik Van der Paal, l’homme fort derrière le promoteur immobilier Land Invest Group. L’affaire s’est assez concentrée sur le bourgmestre qui s’est défendu : « Je trouve très grave qu’on mette mon intégrité en cause parce que j’ai bu littéralement un Coca Zéro. » Et il ajoute : « J’ai également pris l’iftar (NDLR: le repas du soir pendant le mois de jeûne du ramadan) auprès d’associations subventionnées. » Le bourgmestre gantois Daniël Termont (sp.a) avait essayé de justifier sa visite au planificateur financier et promoteur immobilier Optima du controversé Jeroen Piqueur : « Si on m’invite dans un restaurant chic, je ne dis pas que je vais emmener mes tartines (…). Et je vais tout aussi bien manger de la pita. » Une pita ou un iftar ne lève pas le soupçon de conflit d’intérêts dans les dossiers immobiliers. Pas plus qu’un Coca Zero.

Le collège d’échevins anversois pratiquement au complet a fêté « le roi de l’immobilier d’Anvers » Van der Paal au ‘t Fornuis. Et il y avait beaucoup d’autre beau monde. Comme Geert Versnick, le libéral gantois mis en cause il y a quelques mois. Ou Luc Joris, un confident d’Elio Di Rupo (PS) mis en cause pour avoir une société au Luxembourg pour des raisons fiscales. Et Jean-Claude Fontinoy, le bras droit de Didier Reynders (MR). Quand on est dans l’immobilier, il est intéressant d’avoir des amis dans tous les partis importants. Et qui sait, on y a peut-être vu le reflet de la prochaine coalition gouvernementale ?

En toutes circonstances, les politiques doivent éviter tout soupçon de conflit d’intérêts. Leur capacité de prise de décision impartiale et indépendante ne peut jamais être mise en doute. Cela ne mine pas seulement la confiance en les partis et les politiciens concernés, mais aussi la foi en la démocratie. Ne linkador et ne pei mè vossekluute : passe encore. Mais un politicien doit veiller à ne pas être vu comme un magouilleur.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire