© Image Globe / BRUNO FAHY

Un an de crise ou douze mois d’apathie citoyenne

La population belge n’est pas restée insensible à l’impasse politique issue du 13 juin, mais la mobilisation citoyenne est, à deux exceptions près, restée marginale.

Il aura fallu attendre sept mois après les élections et l’approche de l’échec de la mission du conciliateur royal Johan Vande Lanotte (sp.a) pour voir naître un premier mouvement de grande ampleur.

La manifestation « Shame. No government? Great country! « , initiée par des étudiants de la VUB, a rassemblé le dimanche 23 janvier dans les rues de Bruxelles de 35.000 à 40.000 personnes dénonçant l’absence de gouvernement de plein exercice. « Cela en a fait la troisième plus grande manifestation belge depuis la Marche blanche », relève le politologue Vincent Laborderie (UCL).

Cette manifestation avait été précédée, le vendredi 21 janvier, d’une soirée artistique bicommunautaire organisée à l’initiative d’artistes flamands au KVS, le Théâtre royal flamand à Bruxelles, sous le slogan « Niet in onze naam/Pas en notre nom ».

Par rapport à la marche pour l’union de la Belgique du 18 novembre 2007, qui avait rassemblé 30.000 manifestants essentiellement francophones à Bruxelles, les initiatives de 2011 se démarquent par leur origine flamande et leur thème: l’opposition au nationalisme, selon le politologue.

« La Belgique est vue non pas dans la crainte de sa fin ou dans ses symboles patriotes, mais comme un rempart au nationalisme », souligne Vincent Laborderie.

Toutefois, le taux de mobilisation citoyenne est resté faible. Le mouvement s’est essouflé, et les initiatives estudiantines telles que la « révolution des frites » (moins de 5.000 manifestants le 17 février), les rassemblements « place des frites » (de 5.000 à 8.000 participants le 29 mars) ou la manifestation « Ceci n’est pas un picnic » (700 personnes le 7 mai) n’ont récolté qu’un succès d’estime. Pour le premier anniversaire des élections du 13 juin 2010, aucune activité n’a encore été prévue.

Nécessitant moins d’engagement personnel, les « clics » sur le site internet « camping16 » recensent désormais plus de 160.000 campeurs virtuels devant la chancellerie du Premier ministre, 16 rue de la Loi. Mais le 30 avril dernier, à peine cent personnes étaient présentes dans le parc du Cinquantenaire pour planter une trentaine de tentes.

Cet essoufflement traduit notamment le « très vieux » désintérêt de la population pour une politique basée sur un système complexe, confirmée par le faible taux de confiance envers les responsables politiques, commente Vincent Laborderie, qui a suivi de près ces activités de mobilisation.

Le manque d’une véritable structure citoyenne, mais aussi « l’incompréhension de la part des leaders d’opinion vis-à-vis du message des manifestants, à savoir la place démesurée que les problèmes communautaires ont prise dans le débat public » contribuent à ses yeux expliquer ce désintérêt, relevé à plusieurs reprises par la presse étrangère.

Pour le politologue Luc Huyse (KUL), c’est essentiellement la complexité du débat qui est en cause. « Impossible d’être simplement pour ou contre. La couche de brouillard est trop épaisse », fait-il remarquer. Son collègue Bart Maddens préfère observer les sondages d’opinion plutôt que les manifestations. « Ce qui apparaît, c’est que les politiques reçoivent de la population ce signal: ‘il est bon que les Flamands osent enfin dire non' », fait-il observer.

Quoi qu’il en soit, l’absence de gouvernement de plein exercice un an après les élections traduit aussi l’inefficacité de la mobilisation citoyenne. Mais sans cette dernière, « dans quelle mesure n’aurait-on pas déjà été re-voter », interroge Vincent Laborderie. « Plusieurs partis ont pu craindre de se présenter à l’électeur dans un tel contexte », fait-il remarquer.

Au final, la protestation est restée « bon enfant », à l’image de l’appel lancé par l’acteur Benoît Poelvoorde à ne plus se raser la barbe tant qu’un nouveau gouvernement ne serait pas formé, ou celui de la sénatrice et gynécologue Marleen Temmerman (sp.a) incitant pour la même raison les partenaires des responsables politiques à mener la grève du sexe.

Mais, interroge Vincent Laborderie, la population ne réagira-t-elle pas de manière « plus musclée » si l’impasse débouche sur l’organisation de nouvelles élections ?

La quasi-apathie citoyenne de 12 mois de crise tranche en effet avec le nombre et la vigueur des commentaires échangés sur les sites internet des médias d’information, dès qu’un sujet à connotation communautaire y fait son apparition…

Levif.be avec Belga

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