Thierry Denoël

Tueries du Brabant : la grande injustice !

Thierry Denoël Journaliste au Vif

Des crimes inexpliqués, impunis depuis 27 ans. Une enquête erratique qui a charrié tous les fantasmes. Et aujourd’hui, une guerre fratricide entre enquêteurs dans ce dossier de plus d’un millions de pièces sur lequel se penche un sixième juge d’instruction. Les tueries du Brabant donnent un sentiment d’injustice scandaleux.

Il ne manquait plus que cela ! Un ancien enquêteur de la cellule Delta, dirigée dans les années 1980 par le juge d’instruction de Termonde Freddy Troch, porte plainte contre la nouvelle juge d’instruction du dossier « tueurs du Brabant », Martine Michel. Une énième guerre entre flics, à la belge. On croyait ces temps révolus depuis la réforme des polices de 2001. Cela doit faire sourire Marc Dutroux dans sa cellule et aussi les protagonistes de l’assassinat d’André Cools…

Désignée en 2009, la juge Michel semble se démener, comme un tigre sur une nouvelle proie, pour tenter d’enfin élucider les 28 meurtres perpétrés par les tueurs, entre 1983 et 1985. Avec sa nouvelle équipe de limiers, elle repasse tout le dossier à la loupe. Dérangeante la magistrate de 51 ans ? Selon elle, les enquêteurs de la cellule Delta n’ont pas mené leurs investigations avec objectivité. Sous-entendu : ils ont pu être manipulés, comme le suggérait déjà en 1997 – en vain, à l’époque – la seconde commission d’enquête parlementaire consacrée aux tueries.
En cause : les pièces à convictions (armes, billets, etc.) repêchées en 1986, douze mois après la dernière tuerie, dans le canal de Ronquières. Celles-ci n’auraient pas séjourné pendant un an dans l’eau mais seulement un ou deux mois. Qui les aurait alors balancées là ? Les enquêteurs de Termonde eux-mêmes pour couvrir une perquisition illégale ? Sinon, qui est cet indicateur, sans doute proche des tueurs, qui leur aurait indiqué l’endroit ? S’il existe, pourquoi cet informateur n’a-t-il jamais été inquiété par la justice ? Les policiers, dont une partie est aujourd’hui à la retraite, ont été interrogés un à un par la juge d’instruction. L’un d’eux, qui déménageait le jour de sa convocation, a été emmené de force à Charleroi. C’est lui qui porte plainte contre la magistrate pour « détournement de pouvoir et arrestation arbitraire ».

Pour couronner le tout, Eddy Vos, l’ancien chef d’enquête de la cellule Tueurs du Brabant, limogé en 2012, a été menacé de mort, selon son avocat. Pour Me Sven Mary, les entretiens menés par les hommes de la juge Michel seraient à l’origine des menaces. La méthode de travail de la nouvelle équipe dérangerait certains.
La farouche détermination de Martine Michel et de sa chef d’enquête Danièle Goffinet, une ancienne du terrorisme, sera-t-elle payante ? Les familles des victimes voudraient y croire. Mais, après 27 ans d’errements d’une enquête qui a démarré à une époque où les analyses ADN n’existaient pas et qui a vu les juges et les enquêteurs se succéder avec des pistes très divergentes, il y a des raisons d’être pessimiste. Même si le délai de prescription est rallongé de dix ans, comme le suggère Charles Michel (MR).

Il en faudra de la motivation dans ce dossier mammouth dont certains cartons ont dû être récupérés jusque chez des experts par la juge Michel lorsqu’elle a été désignée. Selon nos informations, des pièces à conviction, dont l’arme de Jean Bultot (un temps suspecté dans le cadre de la piste d’extrême droite), ont traîné encore des années dans les armoires de la cellule Brabant wallon après que celle-ci eut quitté ses locaux de Jumet, en 2009, pour déménager à Charleroi. Sérieux tout ça ?


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