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Trahison : Di Rupo est-il encore à gauche ?

François Brabant
François Brabant Journaliste politique au Vif/L'Express

Servir son pays, c’est aussi, parfois, trahir sa patrie politique. Quitte à comparaître pour désertion devant le tribunal médiatique et syndical. Le Premier ministre en fait la pénible expérience depuis douze mois.

Elio Di Rupo aurait-il pu être plus à gauche ? Plus rouge ? Plus socialiste ? Non. A ce jeu de questions-réponses, tous les observateurs de la vie politique tombent d’accord, depuis les soutiens les plus fidèles du Premier ministre jusqu’à ses contempteurs les plus féroces. « Ce qui se passe aujourd’hui est le résultat d’une longue série de reniements et d’abandons, qui placent n’importe quel gouvernement devant des choix impossibles, observe l’économiste Philippe Defeyt, président Ecolo du CPAS de Namur. Dans le contexte actuel, que voulez-vous qu’Elio Di Rupo fasse ? Il est coincé. »

Longue, pourtant, est la liste des couleuvres que la gauche a dû avaler depuis l’installation du gouvernement Di Rupo, le 6 décembre 2011 : modération salariale, accès restreint aux prépensions, dégressivité accrue des allocations de chômage, durcissement du contrôle et de l’activation des sans-emploi… Un exemple parmi d’autres : les chômeurs doivent désormais accepter un travail à 60 kilomètres de leur domicile, au lieu de 25 kilomètres auparavant. « Di Rupo a-t-il trahi la gauche ? Je ne sais pas, hésite Nico Cué, secrétaire général des métallos FGTB. D’une certaine manière, il a répondu lui-même à la question, en déclarant dans une interview qu’il dirigeait un gouvernement de centre-centre. En disant ça, il met lui-même la barre à droite. »

Cela tombe bien : si l’on se fie aux résultats des élections, c’est justement dans cette direction que veulent aller la majorité des Belges. En juin 2010, à l’échelle du royaume, les partis de droite et d’extrême droite ont recueilli 47,2 % des voix, tandis que les formations de gauche et d’extrême gauche ont récolté 33,5 % des suffrages. Les partis centristes (CD&V et CDH) ont, quant à eux, rallié 16,4 % des voix.

Mais ce chiffre masque une réalité : sous la houlette de Kris Peeters et de Wouter Beke, les démocrates-chrétiens flamands penchent à droite. A cette donnée politique s’ajoute la puissance de la N-VA, qui se maintient au-delà des 30 %, de sondage en sondage, et qui donne le ton dans la Flandre entière. De quoi réduire encore la marge de manoeuvre d’Elio Di Rupo, déjà hyper-étroite.

Compte tenu de ces contraintes, un autre que lui serait sans doute tout aussi incapable de faire souffler un fort vent de gauche sur le 16, rue de la Loi.

Le dossier, dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec aussi, sur le même thème des trahisons :
– Lance Armstrong a-t-il trahi le cyclisme ?

– La presse belge a-t-elle trahi ses valeurs ?

– Mittal et Ford ont-ils trahi Liège et Genk ?

– Les islamistes ont-ils trahi la révolution ?

– L’Europe a-t-elle trahi la solidarité ?

Ce numéro spécial du Vif/L’Express/Focus/Weekend est en vente pendant un mois.

FRANÇOIS BRABANT

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