Elisa Groppi

Tout le monde veut une bonne école pour ses enfants

Elisa Groppi Mère et enseignante

15 février. Ça y est, la course aux places a commencé. Les parents de Lydia ont choisi trois écoles secondaires pour leur fille. Une des trois sera-t-elle la bonne ? Les critères vont-ils jouer en leur faveur ? Fréquenter la même école que ses amies du primaire, Lydia sait qu’elle ne doit même pas l’espérer, aller dans une école qui propose un cours qui l’intéresse ? Pas garanti. Mais aura-t-elle au moins avant le mois d’août l’assurance d’une place dans une des trois écoles ?

Je dois dire que je comprends l’angoisse de Lydia et ses parents. A Bruxelles, les inscriptions en secondaire sont un casse-tête, spécialement dans un contexte de pénurie de places… Or, ne pas avoir la garantie d’une place, c’est ne pas avoir la garantie d’un droit fondamental qu’est celui d’étudier. Sans parler de l’impossibilité d’anticiper, s’organiser pour les trajets,… En tant qu’institutrice et mère, je me sens doublement concernée par cette actualité.

J’ai essayé de comprendre les critères de priorité et de simuler un calcul de « coefficient ». Désolée, je n’ai pas compris. J’ai compris par contre que l’intention du Décret est de favoriser la mixité sociale. Nous avons vu, dans des pays comme la Finlande, que cette mixité sociale est une bonne chose : c’est l’ensemble des élèves qui bénéficient d’un meilleur niveau, autant les plus faibles que les plus forts. Et même si on compare uniquement les meilleurs élèves finlandais avec les meilleurs élèves belges (où le système est parmi les plus inéquitables), leurs résultats sont semblables. Donc les élèves forts ne sont pas « tirés vers le bas » comme on pourrait le croire.

J’ai alors envie de poser la question de ce qu’est, pour nous parents, une bonne école. Est-ce une école inclusive, qui va mettre en valeur et développer les compétences de tout le monde, qu’elles soient langagières, sportives, relationnelles ? Ou par « bonne école » on entend une école sélective, où on apprend principalement des cours théoriques, qui ne va parler qu’à ceux dont la culture familiale est très proche de la culture scolaire, purement textuelle, qui ont compris ses « codes » et qui savent s’y plier pour s’y adapter et réussir ?

Dans la première vision, que l’on retrouve dans l’enseignement finlandais, ainsi que dans des écoles à pédagogie active comme Freinet ou Decroly, tous les élèves peuvent réussir, car on y considère l’élève comme un apprenant dans son ensemble, ayant ses forces qui peuvent être mises à profit du groupe et du projet de classe. Dans cette vision, la rencontre ne peut être que source d’enrichissement. Dans les écoles qui ne valorisent que la culture textuelle, forcément des élèves seront mis sur le côté.

En tous cas, une chose est certaine: chaque parent veut une bonne école pour ses enfants !

Or, plutôt que de laisser le choix aux parents de choisir une école avec une bonne pédagogie, il faudrait pouvoir garantir une bonne pédagogie dans toutes les écoles…

Revenons maintenant à la question des inscriptions. L’enseignement est un droit fondamental qui doit être garanti par la collectivité. Actuellement, à Bruxelles, ce droit n’est pas garanti. C’est d’ailleurs sur cette thèse que le mouvement citoyen « Ieder kind een stoel – Une place dans une école de classe » se base pour…mener un procès aux autorités afin qu’elles prennent en main leur responsabilité!

Afin de garantir une place pour chaque apprenant, les autorités devraient centraliser les places disponibles et proposer une école à chacun. Après cela, libre à chaque parent de faire une demande de changement, si une autre école correspond plus à leurs desiderata géographiques ou pédagogiques.

Le Décret a beau changer de tenue à chaque Carnaval, ces crises d’inscriptions se répètent chaque année. Et, chaque année, le décret est modifié, ajusté avec l’intention louable de favoriser la mixité. Mais les ministres successifs ne devraient-ils pas aussi s’attaquer au problème criant de manque de places ? Une collègue de primaire m’a raconté que, le mardi, la moitié des enfants de son école va à la piscine. Ce jour-là, à la récré, il n’y a aucune dispute, alors que les actes violents sont quotidiens les autres jours. Tout simplement parce que les élèves sont les uns sur les autres dans un espace trop petit pour jouer et apprendre sereinement. Ce dont on a besoin, ce n’est pas du bricolage, comme cette école communale où les maternelles sont privés de sieste… car leur dortoir a été transformé en classe ! On a besoin, au contraire, de solutions structurelles: la construction urgente d’écoles !

On devrait rendre à la société la responsabilité de garantir à chacun une place dans une bonne école

Inspirons-nous également du modèle finlandais, qui, excellent au niveau pédagogique et efficace sur le plan de l’équité (les résultats des élèves finlandais sont parmi les meilleurs aux tests PISA) : des classes plus petites, une formation générale de base pour tous jusqu’à 15 ans (un tronc commun), la gratuité de l’enseignement, un soutien scolaire à l’école (et pas en privé, à l’extérieur), suffisamment d’enseignants de soutien, etc.

Pour conclure, je dirais qu’on devrait rendre à la société la responsabilité de garantir à chacun une place dans une bonne école. Actuellement, c’est une responsabilité qui pèse sur le dos des parents. Cela passe d’une part par une centralisation et une attribution de l’école par les autorités (avec possibilité pour les parents de refuser et chercher eux-mêmes une école) et d’autre part par un investissement sérieux dans l’enseignement afin de créer plus de places, dans des écoles de qualité, où enseignants et élèves peuvent exercer leur métier de façon épanouissante.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire