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Tour de François, acte 1

Contre la montre, contre le trafic, contre tous

« Quel bordel ! » Sitôt la ligne d’arrivée franchie, au beau milieu de ce boulevard d’Avroy qui sert de colonne vertébrale à la Cité ardente, François Brabant ne mâchait pas ses mots. « Neuf feux rouges ! J’ai bien dû mettre pied à terre une quinzaine de fois », enrageait-il. Parti à 17 heures 30, le cyclo-journaliste namurois a eu fort à faire pour maintenir une allure respectable tout au long d’un parcours faisant la part belle aux larges boulevards du centre-ville, gorgés de trafic en cette heure de pointe. « Je savais que sur des routes ouvertes à la circulation, il allait être difficile de dépasser les 40 km/h, mais j’espérais quand même une moyenne supérieure à 30. J’en suis loin », se désolait-il, cachant son dépit derrière des lunettes noires passées de mode.

Pour le jeune espoir du cyclisme belge, le verdict est cruel : il lui a fallu plus de 19 minutes pour boucler les 6,6 kilomètres de ce prologue tracé dans le coeur de Liège. L’écart avec les spécialistes du chrono, Fabian Cancellara et Tony Martin en tête, qui s’élanceront samedi sur un parcours identique en tout point, risque d’être abyssal. Dès lors, une question agite la caravane : et si François Brabant avait d’ores et déjà perdu le Tour ? Un scénario qu’on se refuse à envisager dans le staff du coureur. Pressé de questions, son directeur sportif, Thierry Fiorilli, s’employait en début de soirée à relativiser la contre-performance de son poulain. « Il faut rappeler le contexte. François Brabant n’a jamais été à l’aise sur les contre-la-montre. En plus, le parcours ne l’avantageait pas : sur des longues avenues rectilignes, ultra-plates, un grimpeur comme lui est forcément défavorisé. Sans compter qu’il a dû s’élancer sur son vélo traditionnel, sans prolongateurs ni roues lenticulaires. »

Reste que certains choix stratégiques posés par l’équipe du Vif/L’Express ne laissent pas de susciter la perplexité. Ainsi, alors que le départ était initialement prévu à 14 heures, François Brabant a demandé – et obtenu – auprès des organisateurs l’autorisation de s’élancer plutôt en fin d’après-midi. « Pour mieux m’échauffer », avançait-il curieusement. Mais comment pouvait-il ignorer que c’est entre 17 et 18 heures que la circulation est la plus dense dans le centre de Liège ? Au final, son choix lui coûte de précieuses minutes. Immobilisé par les feux rouges, encerclé par les voitures, ralenti par les bus, il n’a pu à aucun moment « lâcher les watts », comme il aime à dire. Les données enregistrées par son compteur en attestent. Telle la vitesse maximale atteinte au cours de ce prologue, 48 km/h. Jamais, en presque sept kilomètres, pas même dans le faux plat descendant du quai de la Batte, François Brabant n’a pu rouler à plus de 50 km/h.

Et puis, il y a cette observation que font, sous couvert d’anonymat, plusieurs suiveurs du Tour : l’aventure dans laquelle s’est lancé le coureur wallon, tout juste 30 ans, suinte l’impréparation. Pas plus tard qu’hier soir, François Brabant a jugé bon de se rendre au traditionnel barbecue de fin d’année organisé par les étudiants en journalisme de Louvain-la-Neuve. Il y aurait consommé jusqu’à 8 bières. Comme chaque fois que son professionnalisme est mis en cause, François Brabant n’a pas souhaité commenter.

Et pourtant, dans l’équipe du Vif/L’Express, on affirme ne pas s’affoler. Et on jure que riposte il y aura. Peut-être dès demain, entre Liège et Seraing, une étape au relief accidenté, où les sommets tutoieront les 600 mètres. La longue montée vers la Baraque Fraiture, notamment, offre un terrain propice aux offensives de longue haleine. Mais c’est plus sûrement en fin de journée, dans les rues tortueuses de Seraing, là où la pente voltige jusqu’à 18 %, à l’ombre des hauts-fourneaux, que François Brabant pourrait bien faire parler la poudre.

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