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Total : la fuite qui peut coûter cher

Alors que les experts craignent l’explosion de la plateforme au large des côtes écossaises, Total a réussi à localiser l’origine de la fuite. Mais le groupe ignore encore comment éteindre la torchère située à 4000 mètres de profondeur. L’accident de Total en mer du Nord pourrait coûter entre 5 et 7,5 milliards d’euros à Total.

Total a réussi à localiser la fuite de gaz dans un puits désaffecté à 4000 mètres de profondeur. L’accident l’avait obligé à évacuer la plateforme d’hydrocarbures, située en mer du Nord, car la moindre étincelle risquait de la faire exploser.

L’heure est donc aux réparations, mais pour l’instant toute opération semble périlleuse. Dans un communiqué, le ministère de l’Énergie britannique explique que « la torchère reste allumée, mais les observations suggèrent qu’elle paraît diminuer en taille ».
Mais la situation en mer du Nord reste dangereuse. Pour le moment, Total a profité de conditions météo favorables, et de vents qui éloignaient le gaz hautement inflammable de la plateforme. Mais un changement de cap pourrait faire exploser le lieu. En raison de ces dangers, la zone d’exclusion de 3,7 kilomètres, mise en place dimanche, est pour l’instant maintenue. Difficile dans ces conditions d’envoyer des hommes sur place.

Les Echos affirme ce vendredi matin que le groupe étudie pour l’heure les différents moyens de stopper l’hémorragie de gaz. Selon le site, Total envisage d’arroser la torchère par hélicoptère ou par navire anti-incendie, ou de priver le lieu d’oxygène, afin d’asphyxier la fuite.

Une fuite qui peut coûter cher à Total

Les dégâts potentiels de la fuite de gaz en mer du Nord sur les finances et la réputation de Total, bien que très incertains, l’ont fait chuter lourdement en Bourse, même s’ils devraient être sans commune mesure avec la marée noire qui avait menacé d’emporter BP il y a deux ans. Depuis l’accident, Total a dégringolé à la Bourse de Paris, chutant de près de 8% sur la semaine, et sa valeur boursière a fondu d’environ 8 milliards d’euros.

Même si l’on ignore encore combien de temps il faudra au groupe pour colmater la fuite, dont l’origine n’a été détectée que jeudi, ce qui pourrait prendre jusqu’à six mois, les agences de notation et les analystes ont déjà commencé à faire leurs comptes. Tout le monde garde en tête l’explosion en 2010 de la plateforme Deepwater Horizon exploitée par BP dans le golfe du Mexique, qui avait provoqué la pire marée noire de l’histoire des Etats-Unis, paru à un moment menacer la survie même du groupe britannique et l’a obligé à provisionner 37,2 milliards de dollars dans ses comptes.

Mais les experts s’accordent sur le fait que l’accident de Total en mer du Nord ne devrait pas provoquer de dégâts comparables sur l’environnement : la plateforme d’Elgin extrait du gaz naturel, et des hydrocarbures liquides sous forme de condensats très légers censés s’évaporer ou se disperser rapidement dans l’eau, rendant très peu probable une marée noire. Moody’s a ainsi estimé que les chances d’un dommage environnemental significatif « sont relativement basses pour le moment ».

Total a surmonté deux crises aux conséquences plus graves


Côté finances, l’agence a évalué l’impact en termes de perte de production à près de 1,5 million de dollars par jour, soit 550 millions de dollars sur une année, à comparer avec les 17 milliards de dollars de bénéfice opérationnel dégagés en 2011 par le groupe français. De son côté, Fitch a estimé mercredi que l’éventuel abandon définitif de l’exploitation du gisement d’Elgin coûterait 5,7 milliards d’euros pour ses propriétaires, dont 2,6 milliards pour Total, qui possède 46% du champ. Mais le groupe pourrait devoir dédommager ses partenaires pour les 3,1 milliards d’euros restants. Enfin, selon Charlotte de Lorgeril, manager chez Sia Conseil, dans le pire des scénarios, celui d’une explosion de la plateforme, la facture pourrait grimper jusqu’à 7,5 milliards d’euros.

Des sommes très importantes en soi, mais qui pourraient être largement absorbées par le groupe: comme l’a rappelé Fitch, Total disposait à fin décembre d’environ 14 milliards d’euros de liquidités et de 10 milliards d’euros de lignes de crédit non utilisées. La maison de courtage Jefferies a même estimé dans une note envoyée jeudi à ses clients que « les conséquences devraient être inférieures aux estimations les plus pessimistes du marché », et jugé « exagérée » la chute du cours du groupe. Reste la question des dommages potentiels de cet accident sur l’image du groupe, encore plus difficiles à jauger.
Total a cependant surmonté des crises aux conséquences bien plus graves dans son histoire récente, comme le naufrage en 1999 du pétrolier Erika, dont il était l’affréteur, et qui avait souillé massivement les côtes bretonnes et vendéennes. Le groupe a été condamné en 2010 à verser 200,6 millions d’euros de dommages et intérêts dans cette affaire. Total attend par ailleurs le verdict en septembre de la cour d’appel de Toulouse sur l’explosion de l’usine chimique AZF en 2001 (qui appartenait à sa filiale Grande Paroisse). Cet accident, dont les causes sont toujours débattues, avait fait 31 morts et des milliers de blessés, la plus grande catastrophe industrielle en France depuis 1945.

LeVif.be avec L’Express

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