Christine Laurent

Tot uw orders !

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Il se fait peut-être rare au parlement flamand ou au Parlement fédéral, mais en stoemelings il est bien présent sur tous les fronts, Bart De Wever. Ainsi, depuis plusieurs semaines, mine de rien, il a réussi à semer une véritable pagaille au sein du gouvernement flamand.

Pas l’ombre d’une proposition qui trouve grâce à ses yeux. Nul, cet exécutif dirigé par Kris Peeters ! Ambiance délétère, règlements de comptes, foire d’empoigne… Après avoir plombé pendant des mois le moral des francophones, De Wever hante désormais les nuits des partis flamands. Un véritable cauchemar. Passé maître dans l’art du mouvement en politique, donc des surprises, il a toujours un coup d’avance. Et si sa silhouette n’est plus que l’ombre de celle rubiconde qu’il affichait encore il y a quelques mois, il n’a rien perdu de son mordant. Toujours plus vindicatif, pugnace… et destructeur. Sa tactique ? Le rampant.

Ces occupations plein temps au Nord ne l’ont pas détourné pour autant de sa mission sacrée : ébranler, pour mieux les voir s’effondrer un jour, les derniers piliers de la Belgique de papa. Alors la fusion de l’armée belge avec l’armée néerlandaise, il est bien entendu pour, De Wever. Une Leger van de Lage Landen, le rêve ! Non seulement, elle permettrait de « réaliser des économies d’échelle », mais elle favoriserait « une spécialisation de nos soldats et sauverait ainsi notre présence dans les opérations militaires hors de nos frontières », dixit le député N-VA Bert Maertens. Le projet figure en bonne place dans le programme du parti nationaliste qui ne plaisante pas quand il s’agit de torpiller la Belgique unitaire. Quand on sait que la N-VA est créditée de plus de 40 % des intentions de vote pour les prochaines communales et qu’à elle seule elle recueille autant de voix que les trois partis traditionnels, CD&V, Open VLD et SP.A réunis, ça fait un peu froid dans le dos. Et puis, il y a ces regards enamourés que De Wever porte à ses voisins. Ah, les Néerlandais, tellement plus fréquentables que les francophones tant honnis ! L’entente parfaite, avec cette complicité, cette douce compréhension à demi-mot qui marquent les balbutiements d’une belle histoire d’amour qui se noue.

Hélas, hélas, il n’y pas que De Wever qui aspire à très court terme à l’union des Défenses belge et néerlandaise. Le ministre lui-même, le CD&V bon teint Pieter De Crem, non seulement y pense intensément, mais il agit. Depuis plusieurs mois, en toute discrétion, il négocie, sans l’aval du Conseil des ministres et sans concertation avec le Parlement qu’il a pris soin de verrouiller jusqu’en 2014 (voir page 18), des accords de coopération militaire renforcée avec La Haye, comme le révèle notre dossier cette semaine. Achat concerté d’hélicoptères NH90, « pools » de matériel, couverture aérienne conjointe des territoires nationaux, il avance, il avance, et vite. Sans oublier ces visites de terrain et ces rencontres avec des parlementaires néerlandais qui se multiplient. C’est que l’enjeu est d’importance. Le « moment de vérité » sera celui du choix d’un successeur au F-16. La Haye et Bruxelles opteraient pour un achat groupé. La stratégie viserait donc à mettre les autorités civiles et militaires belges devant le fait accompli au moment où sera prise la décision tant attendue.

On soupçonnait De Crem d’organiser en coulisses la flamandisation en règle de notre grande muette. C’est pis ! L’objectif vise plus haut avec la mise en place d’une véritable « armée des plats pays ». Mutualisation des tâches, entraînement, tout y passe. « Tot uw orders ! » A vos ordres, selon Le néerlandais pour les Nuls que les futurs candidats troufions francophones seraient bien inspirés de consulter. Quand on sait que, déjà, ils ne se pressent guère au portillon… Pas sûr que l’armée réussira encore à séduire les quelque 1 500 volontaires qu’elle cherche désespérément chaque année. Appelés bientôt (?) à recevoir leur formation in het Nederlands et dans le nord des Pays Bas… Pas grave, De Crem ne compte-t-il pas sur les flamingants et les sujets de la reine Beatrix pour prendre la relève ?

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