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Torpille flamande contre les maïeurs non nommés

BHV scindé, périphérie pacifiée ? Le ministre de l’Intérieur Geert Bourgeois (N-VA), jette un froid par une annonce : tout bourgmestre non nommé pour refus répété d’appliquer la loi flamande ne pourra plus être… candidat. Ou comment le gouvernement flamand compte torpiller l’accord de pacification à peine né.

Champagne ! L’embrouille BHV est une affaire classée, les francophones des communes à facilités de la périphérie peuvent respirer. Retour brutal sur terre… flamande : le N-VA Geert Bourgeois fait retomber les bulles. Nullement concerné par l’ambiance de fête qui règne à l’étage fédéral autour du formateur PS Di Rupo et de ses négociateurs, le ministre flamand de l’Intérieur se concentre sur son sujet : le respect de la loi flamande sur le sol flamand, facilités linguistiques ou pas. Le 4 octobre dernier, Geert Bourgeois s’est pointé en commission de l’Intérieur du Parlement flamand pour annoncer une grande nouvelle au député Vlaams Belang Joris Van Hauthem : le gouvernement flamand va frapper fort pour en finir avec ces bourgmestres francophones non nommés de la périphérie qui s’obstinent à contrarier la tutelle flamande. « Un projet de décret est sur la table : il prévoit qu’un candidat-bourgmestre qui n’est pas nommé durant la même législature ne pourra plus être présenté à la fonction de bourgmestre. » Dans le collimateur du ministre : le maïeur rebelle de Linkebeek, Damien Thiéry (FDF), qui annonce son intention de récidiver en envoyant les convocations électorales en français et en néerlandais lors du scrutin communal de 2012. « Monsieur Thiéry provoque, il est doublement averti. Un : s’il enfreint la loi comme il l’annonce, il ne pourra plus être nommé. Deux : s’il n’est pas nommé, il ne pourra plus être présenté. » Et le tour sera joué.

Pour Damien Thiéry, la manoeuvre est cousue de fil blanc : « par ce décret, qui sera d’une force juridique supérieure à la circulaire Peeters, le gouvernement flamand voudra m’empêcher de plaider ma cause devant la chambre bilingue du Conseil d’Etat. »

Petit détour par le nouveau mode d’emploi concocté par les négociateurs PS-CD&V-MR-CDH-Open VLD-SP.A- Ecolo-Groen !: à l’avenir, un candidat- bourgmestre désigné par une majorité du conseil communal mais recalé par l’autorité flamande, pourra introduire un recours devant l’Assemblée générale bilingue du Conseil d’Etat, et non plus devant une chambre flamande. Les juristes francophones y feront donc jeu égal avec les magistrats néerlandophones pour trancher son sort. Ce que les partis francophones considèrent comme une avancée majeure, passe chez les Flamands pour un recul significatif. Le gouvernement flamand préparerait donc une parade : pour empêcher un candidat-bourgmestre fiché par la tutelle flamande comme multirécidiviste d’accéder au Conseil d’Etat sa version bilingue, il s’agirait de le priver de son droit d’être désigné candidat.

Transposé au cas de Damien Thiéry, cela donne ceci. Un : il envoie ses convocations électorales en français pour le scrutin communal de 2012. Deux : le gouvernement flamand le re-sanctionne par une non-nomination à la fonction de bourgmestre. Trois : s’il n’est pas nommé bourgmestre, il ne pourra plus être désigné candidat après le scrutin. Et quatre : s’il n’est pas candidat, il ne pourra plaider son cas au Conseil d’Etat. Le modus operandi aura une portée générale et ne s’appliquera pas seulement aux trois bourgmestres actuellement non nommés (Linkebeek, Crainhem, Wezembeek-Oppem) qui se mettrait en tête de recommencer leur manège.

Ce coup tordu, proposé en novembre 2009 par un député Vlaams Belang, est repris à son compte par le N-VA Geert Bourgeois, avec la bénédiction de ses partenaires CD&V et SP.A au gouvernement. En séance, le ministre de l’Intérieur a su avoir le triomphe modeste : « Monsieur Van Hauthem, votre mérite est d’avoir lancé la proposition de décret. Nous l’avons littéralement reprise. Il n’y avait aucun copyright, la formulation était bonne et cet honneur vous revient. Si j’ai un mérite, c’est que toute la majorité se trouve derrière cette proposition, et qu’elle aura force de loi. Ce n’est pas négligeable. Nous aurons ainsi atteint tous deux notre but. ».

Politiquement, l’acte annoncé n’est pas banal par les temps qui courent. La Flandre voudrait torpiller un accord de pacification communautaire dont l’encre n’est même pas encore sèche qu’elle ne s’y prendrait pas autrement. Avec les bons voeux du CD&V et du SP.A, solidaires de la N-VA dans le gouvernement flamand. Et avec le coup de pouce du Vlaams Belang en prime. « Allô Elio ? We have a problem ».

Pierre Havaux

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