Thierry Bodson © Belga

Thierry Bodson : « Les élus PS devraient davantage être aux côtés des travailleurs lors des grèves »

François Brabant
François Brabant Journaliste politique au Vif/L'Express

Le secrétaire général de la FGTB wallonne défend l’intérêt d’une « Action commune », réunissant les trois branches de la famille socialiste – parti, mutualité et syndicat. Mais il pose ses conditions ! « Cela doit être un dialogue d’adultes. Ces dernières années, le dialogue avec le PS a le plus souvent viré au bras de fer », regrette-t-il.

On a l’impression que Jean-Pascal Labille (secrétaire général de Solidaris), Marc Goblet (secrétaire général de FGTB), et Elio Di Rupo (président du PS) cherchent à redonner de la visibilité à l’ancienne triade parti-mutualité-syndicat. Le ressentez-vous aussi ?

Thierry Bodson : Oui, d’une certaine manière. On parle beaucoup de l’Action commune, mais c’est quoi l’Action commune ? Si c’est purement et simplement dans un cadre de campagne électorale, alors c’est mauvais.

Quelle serait alors la bonne formule ?

Dans mon esprit, l’intérêt de l’Action commune, c’est avant tout de sensibiliser les responsables politiques – en l’occurrence socialistes – à certaines réalités de terrain. Nous recevons, à la FGTB wallonne, des personnes aux profils très différents. Chaque mois, nous avons 40 000 contacts avec des affiliés. Cela signifie que, dans tous ces cas, quelque part en Wallonie, une personne vient raconter une petite histoire : pourquoi elle a été licenciée, comment fonctionne son entreprise, quel impact a telle mesure gouvernementale sur sa vie quotidienne… Au niveau de la mutualité, c’est assez comparable. Moi, je prétends que ça nous donne une légitimité, une expertise, pour cerner les évolutions de la société, et puis surtout pour venir dire au Parti socialiste : attention, telle décision que vous allez prendre, ou que vous avez prise quand vous étiez au pouvoir, elle est inadaptée, elle induit des effets pervers.

Un lien privilégié entre le PS et la FGTB, au travers de l’Action commune, est-il indispensable pour faire valoir cette expérience du terrain ?

L’intérêt de l’Action commune, c’est de faire passer cet expertise vers le politique. Et il y a des fois où ça a marché. Un exemple : les visites domiciliaires chez les chômeurs ont été abrogées. L’Onem n’a plus pu envoyer des inspecteurs au domicile des gens. A l’époque, Laurette Onkelinx était ministre de l’Emploi et elle nous a entendus, car c’était vraiment de l’inquisition vis-à-vis des gens. D’autres combats ont été perdus… Le PS a contribué à rendre impossible le cumul entre pension et rente pour maladie professionnelle. Quand le gouvernement a pris cette mesure, tout à coup, on a vu des dizaines et des dizaines de personnes envahir nos bureaux, un peu partout en Wallonie. De vraies scènes de désespoir… Les gens nous disaient : ce n’est même pas pour les 150 euros qu’on perd, mais c’est une question de dignité, de respect vis-à-vis du grand-père qui est mort après avoir travaillé dans la mine. Et ça, on ne peut pas le sucer de son pouce, on ne le sait qu’en écoutant les gens. Mais quand on recueille 300 témoignages en un mois, on comprend tout de suite qu’il y a un problème. Voilà pourquoi l’Action commune est importante à mes yeux.

Quelle organisation doit, selon vous, en être la force motrice ? Le PS semble apprécier l’Action commune, mais à condition qu’il en soit le moteur, le leader.

C’est toute la question. L’Action commune est bénéfique, à condition qu’elle fonctionne bien. Or souvent, on a constaté que les échanges ne se faisaient pas de façon naturelle. La plupart du temps, ces dernières années, le dialogue virait au bras de fer. Moi, je pense que l’Action commune doit être une relation d’adultes, pour que l’ensemble du mouvement socialiste en profite. Et j’ajoute un autre élément important : l’Action commune ne doit pas venir en opposition avec l’appel de la FGTB à renforcer toutes les composantes de la gauche politique.

Où en est aujourd’hui votre relation personnelle avec le PS ?

J’ai été conseiller communal pendant six ans à Beyne-Heusay, il y a déjà longtemps. Aujourd’hui, je reste affilié au Parti socialiste, à la section de Liège-ville. Mais je ne vais plus beaucoup aux réunions, je ne participe guère aux activités. Parce que mon emploi du temps ne me le permet pas, mais aussi parce que j’estime que la vie dans les sections locales est moins trépidante qu’avant.

Suite aux actions syndicales de l’automne dernier, une controverse a opposé certains mandataires du PS. Le ministre wallon Jean-Claude Marcourt, par exemple, a déclaré dans La Libre Belgique que ce n’était pas le rôle des ministres et des parlementaires socialistes de se rendre sur les piquets de grève.

Je pense effectivement que ce n’est pas la place d’un ministre-président, d’un vice-Premier ministre ou d’un ministre de l’Economie, car ça crée une confusion. Mais en-dehors de quelques ministres, je trouve que l’immense majorité des élus socialistes devraient être davantage aux côtés des travailleurs lors des grèves.

Lire dans le VifL’Express de cette semaine: Faut-il ou non réactiver l’Action commune ? PS et FGTB dans le doute.

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