Thierry Fiorilli

Theo Francken : le crash test N-VA de Michel Ier

Thierry Fiorilli Journaliste

En une semaine, Theo Francken est devenu le maillon faible du gouvernement Michel. C’est lui qui concentre les raids de la coalition de l’Olivier, l ‘opposition fédérale francophone la plus importante.

Theo Francken est devenu le maillon faible du gouvernement Michel. A cause de sa présence, en tant que tout frais secrétaire d’Etat à l’Asile et à l’Immigration, à la fête d’anniversaire d’un fondateur de la milice d’extrême-droite VMO. A cause aussi de propos tenus par le passé, dont on ne connaît pas le contexte précis dans lequel ils ont été émis, mais dont le contenu est imprégné d’homophobie et de racisme. Pain bénit pour le PS et le CDH, évidemment, qui réclament la démission de Francken. Souci, évident, pour Charles Michel, à peine installé à la tête d’une coalition inédite.

Francken doit-il démissionner ? Même après ses vingt secondes d’excuses ? Oui! Pas u0022oui maisu0022. Oui point.

Cela étant posé, et loin du vacarme déclenché par l’opposition francophone, abordons la seule vraie question dans cette affaire : Francken doit-il démissionner ? Même après ses vingt secondes d’excuses ?

Oui.

Pas « oui mais ». Oui point.

Ce n’est pas une question d’instrumentalisation de l’histoire, de récupération politique ou de naïveté. C’est une question de principes. Elémentaires. De valeurs. Celles que sont censés partager tous les démocrates. Quelle que soit l’histoire de leur pays, de leur communauté, de leur région ou de leur village.

Ainsi, en 2001, Johan Sauwens (alors Volksunie) avait été contraint, par l’opposition socialiste et écolo flamande, à démissionner de son poste de ministre régional des Affaires intérieures pour avoir participé au 50e anniversaire du Sint-Maartensfond, regroupant les anciens volontaires flamands du front de l’Est. A l’époque, on n’avait pas engagé le débat sur la perception différente que Flamands et francophones avaient de à la collaboration : Sauwens, investi de charges ministérielles, s’était retrouvé là où il n’avait pas à se retrouver. Il avait donc sauté.

Francken, lui, n’a pas sauté.

Parce qu’il n’imaginait pas que ses propos aient pu « blesser ».

Parce que nous, francophones, nous ne pouvons pas comprendre qu’en Flandre, « c’est différent » et que, si on connaissait son histoire, on finirait peut-être même par conclure que, tout compte fait, ce que pense, dit et célèbre ce brave Theo, ce n’est pas si grave. C’est admissible.

Parce qu’il faudra le juger sur ses actes.

Parce que ce gouvernement ne va faire que du socio-économique.

Parce que tout le reste, c’est de la foutaise ou de la déloyauté.

Parce que Charles Michel ne peut pas débarquer Francken sinon c’est toute la N-VA qui se retire, et alors adieu la suédoise et retour à la case PS.

Bien.

Attendons donc la prochaine saillie d’un des ministres N-VA, destinée à rassurer l’électorat siphonné au Vlaams Belang. Il n’y aura peut-être pas de décisions portant sur l’institutionnel durant les cinq (?) années de cet exécutif, mais il devrait y avoir, régulièrement, des sorties, au propre comme au figuré, de Jan Jambon, Theo Francken, Steven Vandeput et consorts pour rappeler à la très importante frange d’extrème-droite du parti nationaliste qu’elle n’est pas du tout oubliée. Une façon aussi, pour Bart De Wever, de tester ses limites et celles de la coalition dont il rêvait. En résumé: Jusqu’où puis-je aller, dans les actes et les propos? Jusqu’où puis-je aller pour éprouver la solidité de Michel? Jusqu’où puis-je aller pour éclipser le CD&V et l’Open-VLD dans l’optique des prochaines élections législatives, celles qui déclencheront la reprise de la bataille vers l’indépendance flamande? Jusqu’où puis-je aller pour pousser les francophones, PS en tête, à s’égosiller, s’indigner, et finir par admettre que, non, décidément, on ne peut plus rien faire ensemble, pas même partager la même conception de ce qui est tolérable ou non ? Jusqu’où puis-je aller avant, le cas échéant, de débrancher la prise de la suédoise moi-même?

En une semaine, Theo Francken (comme Jan Jambon, avec ses déclarations sur la collaboration) est donc devenu le symbole du crash test permanent auquel la N-VA va soumettre le gouvernement fédéral. Jusqu’ici, tout résiste plutôt bien aux chocs. A part la notion de ligne rouge morale et politique à ne pas franchir. Elle appartient désormais au passé. De part et d’autre de la frontière linguistique.

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