Carte blanche

Theo Francken et le manque de compassion

Rappelons les faits. Depuis le début du conflit en Syrie, des réfugiés arrivent en Belgique dans des conditions atroces : barques et mafia de passeurs avec tous les risques pour leur vie que cela comporte.

La Belgique leur dit – n’ayant pas peur d’être caricatural, le Secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration Theo Francken ne s’en gêne pas, lui – : « Vous aurez notre protection, mais vous devez d’abord arriver sur le territoire, peu importe les moyens. Bref, on fera tout pour que vous ne veniez pas dans notre pays ». L’Office des Etrangers a même déclaré : « Ils doivent passer par la ‘voie normale’ ! » Quelle est cette voie ? Se confiner telles des sardines dans des barques et échouer comme de simples coquillages à l’arrivée ? Où est passée notre humanité ?

Dernièrement, des citoyen(ne)s belges se sont interrogés sur une solution à trouver à ce drame humain. Ces derniers proposent alors de demander des visas pour les réfugiés politiques syriens. Une famille belge accepte de financer la demande d’une famille syrienne d’Alep qu’ils connaissent. Des parents et leurs enfants : 5 et 8 ans. Après le refus par l’Office des Etrangers à trois reprises, le Juge des contentieux a ordonné que ces visas soient délivrés à cette famille syrienne de 4 personnes. Theo Francken refuse la décision de justice.

La Magistrat Mireille Salmon – qui subit une campagne de haine dans la presse néerlandophone depuis – impose une astreinte de 1000 euros par jour et par individu. Donc 4000 euros par jour. Theo Francken préfère payer que d’accorder des visas à une famille. Et soulignons-le : surtout à des enfants. Pourtant, Alep est LE terrain de combats : il y a des bombardements quotidiens, les civils entre les feux.

Je suis thérapeute en victimologie et psychotraumatologie. Et je constate que Theo Francken souffre d’un grand manque de compassion humaine. Il présente un manque de remords, un manque d’empathie, une indifférence par rapport à la valeur de la vie d’autrui. Bref, un manque de « comportements humains »

Nous sommes en présence de deux enfants : 5 et 8 ans. Nous n’en avons pas assez parlé dans les médias. Nous avons surtout évoqué « la fin de l’Etat de droit » suite au refus de Francken de se plier à une décision de justice. Mais avons-nous pensé aux enfants ? Ces petits qui ont peur de dormir à cause des bombardements ? Qui sont en vigilance constante ? Il est à noter que l’impact psychologique des violences sur les enfants est plus grave que sur les adultes, du fait de leur fragilité, de leur grande dépendance, de leur impuissance et de leur manque d’expérience face aux adultes, de leur immaturité à la fois physiologique et psychologique et de leur situation d’être en devenir, en pleine construction. L’immaturité du système nerveux central rend le cerveau des enfants beaucoup plus sensible aux effets du stress par l’intermédiaire de la sécrétion excessive de cortisol, avec des risques plus importants d’atteintes neuronales et plus particulièrement dendritiques, avec des morts neuronales, et des modifications épigénétiques de l’ADN des neurones. Ils risquent de vivre « en état de guerre » toute leur vie s’ils ne sont pas protégés et pris en charge rapidement. De développer ainsi des psychotraumatismes chroniques : se réveiller en sueur, faire des crises d’angoisses, des cauchemars, sursauter au moindre bruit et j’en passe. Ils vivront sur un terrain miné littéralement et symboliquement. D’ailleurs, « Tous les enfants d’Alep sont traumatisés », selon l’Unicef. Theo Francken est-il à ce point insensible qu’il en oublie les droits fondamentaux des enfants ? La Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant (1989) rappelle les dispositions de la Déclaration sur les principes sociaux et juridiques applicables à la protection et au bien- être des enfants […] de la Déclaration sur la protection des femmes et des enfants en période d’urgence et de conflit armé ». Depuis quand la Belgique fait fi des conventions internationales ? Theo Francken est-il à ce point si peu altruiste que les risques sur la vie de deux enfants, que la justice belge l’ordonne d’accueillir, ne l’émeut pas ? Apparemment pas puisqu’il préfère en faire un combat politique, soutenu par le Premier Ministre : Charles Michel. Par conséquent, je pose la question : le gouvernement est-il devenu impitoyable ?

Aurore Van Opstal, thérapeute en victimologie et psychotraumatologie

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