Olivier Mouton

Theo Francken a raison…

Olivier Mouton Journaliste

En refusant de parler avec la N-VA au fédéral et en relançant une dynamique exclusive en Wallonie, le PS risque d’approfondir encore le fossé belgo-belge.

« Ne me parlez pas d’hommes d’Etat. Ceux qui disent tant l’aimer le conduisent à la tombe. » Cinglant, le tweet de l’ancien secrétaire d’Etat N-VA Theo Francken, ce mardi matin à la pointe de l’aube. Il dénonce – non sans jubiler, évidemment – la volonté qu’aurait exprimée le PS aux informateurs de ne pas discuter avec le parti nationaliste flamand au niveau fédéral. Ce faisant, le parti d’Elio Di Rupo est certes fidèle à sa parole : il prône une grande alliance des quatre grandes familles du pays (socialistes, libéraux, sociaux-chrétiens et écologistes… CD&V, Groen et Open VLD ont déjà refusé), sans la N-VA – et ce après qu’Elio Di Rupo ait rapidement fermé la porte timidement entr’ouverte un matin à la radio. Mais il risque de faire pire que bien pour la survie de l’Etat belge.

Une fois n’est pas coutume, Theo Francken a raison. Comme en 2014, le PS s’engage une nouvelle fois dans un chemin propre à la Belgique francophone, en égocentrique qui fait fi de toute considération fédérale. Il y a cinq ans, les socialistes s’étaient rapidement associés aux humanistes (et à DéFi) au niveau régional et communautaire, coupant l’herbe sous le pied de toute tentative au niveau fédéral et rejetant le MR pourtant en progression. Cette fois, ils s’engagent de la même manière avec les écologistes, refusant d’élargir la discussion aux libéraux alors qu’ils ne disposent pas de majorité en Wallonie. L’exercice de tenter une coalition PS-Ecolo-société civile minoritaire au parlement wallon est à la fois peu crédible et provocatrice. Elle ne répond pas aux urgences du redressement wallon.

Bien sûr, il est cohérent que le PS tente de former la coalition « la plus progressiste possible » promise aux électeurs, mais la donne a quelque peu changé depuis que CDH et PTB ont jeté le gant. Bien sûr, il y a une logique fédérale à ce que chaque entité compose ses propres majorités, quitte à ce que cela crée un paysage complètement asymétrique. Mais il convient d’éviter le chaos. Bien sûr, la N-VA joue exactement la même carte de la provocation en Flandre en négociant avec le Vlaams Belang, brisant le cordon sanitaire au passage sans que personne ne s’indigne vraiment – c’est proprement inacceptable ! Mais en refusant le dialogue, le PS offre un argument en or aux nationalistes flamands qui ne demandaient que ça. Theo Francken jubile d’ailleurs (bis) en affirmant que le PS « reconnait sa défaite intellectuelle ». Et nonobstant ces arguments, le refus du PS de parler – ne fut-ce que… parler – ouvre la voie à une nouvelle radicalisation de la Flandre en renforçant les arguments des nationalistes.

La situation n’est évidemment pas facile à gérer. Dès le lendemain du scrutin, le 27 mai dernier, les politologues consultés par Le Vif/L’Express avaient d’ailleurs affirmé que toute coalition fédérale nécessiterait un renoncement majeur de la part d’une formation politique. Ce faisant, ils ajoutaient que la formation d’un gouvernement fédéral prendrait du temps, beaucoup de temps. Cela se confirme. Le jeu de poker a commencé. Certains académiques ont déjà évoqué la possibilité d’un retour prématuré aux urnes pour le fédéral. Ce sera peut-être nécessaire. Mais en attendant, il faut baliser le terrain. Paul Magnette (PS) a avancé l’idée d’un gouvernement transitoire d’un an pour régler les affaires urgentes et envisager la suite des opérations. Cette piste a été un peu trop vite balayée. Oui, il serait judicieux d’avoir une équipe pour régler le budget, prendre des mesures sociales et climatiques, tout en ouvrant une voie pour d’éventuelles discussions communautaires – ne faisons pas l’autruche, on y arrivera rapidement.

Tôt ou tard, que ce soit pour envisager une évolution confédérale ou acter l’impossibilité de s’entendre, la N-VA et le PS devront se parler. Sans doute pas de gaieté de coeur, on l’imagine, ni avec la volonté de faire un projet positif pour le pays. Mais les deux partis principaux du pays doivent au moins crever l’abcès dans un paysage politique laminé qui fait songer à la république de Weimar – qui avait rendu l’Allemagne ingouvernable dans les années 1930. Si Bart De Wever et Elio Di Rupo veulent se comporter en hommes d’Etat, ils doivent accepter le caractère inéluctable d’une telle discussion. Avec la nécessité de dire la vérité aux électeurs, en toute transparence. Arrêtons ces simagrées régionales (N-VA – Belang et PS-Ecolo) qui se moquent du monde et ne servent en réalité qu’à renforcer les positions de négociation des uns et des autres. L’heure est à la responsabilité.

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