Laurence Van Ruymbeke

Taxation de l’épargne : bientôt des bosses sous les matelas ?

Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Le moins que l’on puisse écrire, c’est que ça fait un peu désordre. En suggérant de mettre fin à l’exonération fiscale accordée aux carnets d’épargne dont les intérêts ne dépassent pas 1 800 euros par an, le ministre des finances, Koen Geens (CD&V) s’est assuré à la fois la Une des médias et… les foudres du monde politique. Majorité comme opposition. Joli doublé.

Erreur de jeunesse pour ce ministre tout frais et néanmoins haut technicien de la finance ? Provocation délibérée ? C’est difficile à croire. Ballon d’essai pour tâter le terrain ? L’homme aura en tous cas reçu un signal clair en retour : c’est non. Même avec un précompte mobilier qui ne dépasserait pas 15 %. On entend d’ici la Febelfin, la fédération patronale du secteur financier, soupirer d’aise après avoir frémi d’inquiétude pendant quelques jours…

Pour autant, l’idée de réveiller les 240 milliards d’euros qui dorment sur des carnets d’épargne ne manque pas d’intérêt. Car l’économie réelle a cruellement besoin de cet argent. Les patrons de PME qui peinent à décrocher les crédits indispensables pour assurer le développement de leur activité sont bien placés pour le savoir. La Banque nationale et son gouverneur, Luc Coene, s’inscrivent d’ailleurs dans cette lignée depuis des mois, en suggérant d’offrir plus d’avantages fiscaux sur les produits financiers de long terme.

Il faut donc trouver le moyen d’affecter cet argent ronflant à des projets concrets, utiles à la collectivité, en termes d’infrastructures par exemple (hôpitaux, routes, maisons de repos…) Sous forme de bons d’Etat, avec un rendement plus élevé que les comptes d’épargne, par exemple. Ou de Livret vert. Ou de Livret B, selon les propositions des différentes familles politiques. Le gouvernement, Koen Geens en tête, peaufine d’ailleurs une mouture d’emprunt populaire via des bons de caisse avec avantages fiscaux, destinés à financer des projets collectifs.

En même temps, la formule qui sera finalement retenue par le gouvernement doit apporter aux épargnants l’absolue sécurité dont ils ont besoin. Car si certains estiment que les clients des banques affectionnent leur carnet de dépôt en raison de son statut fiscal privilégié, d’autres pensent au contraire que cet argument n’a que peu de poids : c’est, à leurs yeux, la certitude de pouvoir récupérer leur argent vite et bien qui encourage les épargnants à opter pour cette forme de placement, quand bien même elle ne rapporte pas tripette. La crise insécurise. Et dans un contexte incertain sur le plan économique et financier, les épargnants frileux seront moins que jamais enclins à miser sur des placements à risques.

Raison de moins pour y ajouter une insécurité politique. Maladroite et contraire à l’accord gouvernemental, l’intervention de Koen Geens aura toutefois eu un mérite. Celui de remettre en lumière l’absolue nécessité de repenser l’ensemble du système fiscal belge en y insérant davantage de cohérence. Et de tranquillité pour les clients des banques.

« Le problème, c’est le climat fiscal instable et non l’épargnant », soulignait la présidente du VLD, Gwendolyn Rutten, sur Twitter. La Banque nationale, qui doit rendre un rapport définitif sur une réforme de l’ensemble du secteur financier d’ici à l’été, serait bien inspirée de ne pas perdre cette remarque de vue.

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