« Tax shift : sans décision énergique le gouvernement Michel sera un petit oiseau mort »

« Si le gouvernement Michel veut instaurer un tax shift sérieux, il faudra briser certains tabous » estime Ewald Pironet, notre confrère de Knack.

La semaine passée, l’OCDE, l’organe de concertation économique d’un certain nombre de pays occidentaux, a publié un rapport qui montre ce que l’on sait depuis longtemps : la Belgique est le pays où le travail est le plus imposé. En fonction de la situation familiale, 40 à 60% de notre revenu va à l’état, pratiquement aucun employé d’un pays riche ne garde aussi peu de son salaire. Il n’y a qu’en Grèce ou en Hongrie que les impôts sur certains salaires bas sont parfois plus élevés. Le rapport souligne, à nouveau, qu’il faut déplacer les charges sur le travail vers d’autres revenus de l’état. Il est grand temps d’instaurer ledit tax shift. Depuis le début de cette semaine, le gouvernement Michel négocie à ce sujet.

Le ministre des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA) aime souligner que le gouvernement a déjà décidé d’un tax shift de 2 milliards d’euros. Mais il en faut beaucoup plus, et il le sait. Un tax shift de moins de 5 milliards d’euros revient à faire du bricolage. Certains espèrent qu’il s’agira plutôt de 8 à 10 milliards d’euros. Reste à savoir évidemment où le gouvernement trouvera les 5,8 ou même 10 milliards d’euros qu’il n’aura pas en raison d’une baisse de charges sur le travail. Car le but n’est pas de creuser un trou dans les caisses de l’état et il n’est pas question d’économiser encore davantage.

Ces derniers mois, les partis du gouvernement ont élaboré leurs points de vue. La N-VA souhaite augmenter les tarifs de TVA, le CD&V veut imposer les grandes fortunes et l’Open VLD et le MR parlent surtout d’imposer la pollution. Le week-end dernier, les partis se sont un peu rapprochés : le président de la N-VA Bart De Wever a qualifié un impôt sur la fortune de « négociable », le vice-premier ministre CD&V Kris Peeters a déclaré qu’il « fallait un équilibre entre l’impôt sur la pollution, les impôts indirects et l’impôt sur la fortune », seuls les libéraux ne fléchissent pas et ne veulent pas entendre parler d’une augmentation de la TVA. Ils disent qu’ils font chercher l’argent auprès des « fraudeurs, les spéculateurs et la pollution » tout en réalisant qu’ils ne n’engrangeront pas grand-chose. Le chef de faction fédéral Patrick Dewael (Open VLD) parlait d’un tax shift de 1,6 milliard d’euros. Ce ne serait même pas du bricolage, mais un coup dans l’eau.

Tabous

Si le gouvernement Michel désire instaurer un tax shift sérieux, il faudra briser certains tabous. Bien sûr, la pollution sera plus imposée. Il pourrait très bien y avoir une taxe kilométrique et une augmentation de l’accise sur le diesel. Cependant, il est moins sûr que le gouvernement s’en prendra aux voitures de société fiscalement favorables qui donnent plus d’embouteillages : pour beaucoup de gens, la voiture fait simplement partie de leur package salarial. En outre, l’alternative, des transports en commun performants, laisse à désirer. Une taxe sur la pollution peut donc influencer notre comportement, mais plus elle fonctionne, moins elle rapportera.

L’appel à un système d’impôts juste a été fait depuis longtemps. Le gouvernement Michel peut difficilement faire autrement que d’instaurer l’une ou l’autre forme d’impôt sur la fortune. Ce sera probablement une taxe sur la spéculation pour ceux qui vendent leurs actions à profit dans les trois mois, mais cette mesure ne rapportera pas beaucoup plus que 150 millions. Il est incertain que le gouvernement ose s’en prendre au revenu cadastral, qui souvent ne correspond plus à la valeur de l’immeuble, mais ce serait justifié.

TVA

Si la coalition ne réussit pas à instaurer un bon tax shift, le gouvernement Michel sera un petit oiseau mort.

Reste les impôts sur la consommation. On peut certainement tailler dans les nombreux tarifs exceptionnels de la TVA. Selon Bert Brys, expert fiscal à l’OCDE, c’est pourquoi il n’y a que 48% de la consommation en Belgique qui est imposée, avec comme conséquence que le tarif TVA réel ne se chiffre pas à 21 mais à 10%. Cependant, non seulement les libéraux ne veulent pas entendre parler d’une augmentation de la TVA, mais le mouvement chrétien ouvrier CSC y est opposé « car cette mesure touchera surtout les plus pauvres » même si les experts contredisent cette affirmation. En réponse, le gouvernement pourrait augmenter la TVA de 21 à 22% et baisser le tarif sur les produits de première nécessité tels que l’alimentation et les médicaments de 6 à 5%. Cette mesure devrait rapporter 1 milliard d’euros.

« L’instauration du tax shift sera donc loin d’être simple. Les lobbys s’activent déjà. Et s’il est vraiment bien élaboré, un tax shift ne donne pas seulement un système fiscal plus juste, mais aussi beaucoup plus simple et transparent. La coalition actuelle a donc une chance unique de montrer qu’elle est capable de prendre des décisions énergiques d’un commun accord. Si là non plus elle ne réussit pas, le gouvernement Michel sera un petit oiseau mort.

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