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Tax-shift: Pourquoi on ne touchera pas aux voitures de société

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Exploitée à tour de bras, la formule du véhicule de fonction ravit employeurs et employés. Et de façon ultra majoritaire en Flandre. De quoi dissuader le gouvernement Michel de taxer le système actuel, même s’il constitue une aberration en termes de mobilité, de santé publique, de finances de l’Etat. Et de justice fiscale.

Tout le monde s’accorde à dire que la Belgique se porterait mieux si elle comptait moins de voitures sur son territoire, donc moins d’embouteillages, d’heures de travail perdues dans les files, de pollution et de problèmes de santé publique. Dans le même temps, le recours aux voitures de société et aux cartes de carburant qui y sont souvent liées fait florès. C’est qu’elles se substituent de plus en plus fréquemment au salaire, pour une valeur de quelque 500 euros/mois en moyenne, en raison d’un coût du travail particulièrement lourd en Belgique. A l’origine, cette niche fiscale avait été imaginée pour pallier le coût élevé du travail en Belgique.

Dès lors que le gouvernement Michel évoque une réduction de ce coût, ne serait-il pas logique de détricoter, ou, à tout le moins, de repenser cet avantage? « La première difficulté consiste à cerner le problème sur la base de chiffres sûrs, relève Eric Cornelis, spécialiste de la modélisation du transport à l’Université de Namur. Or une telle analyse des recettes et coûts engendrés par le système n’existe pas. Il n’y a pas une volonté claire et neutre de tout mettre sur la table pour avoir une vue objective avant de commencer à réfléchir. » On sait que le pays compte 5,5 millions de voitures, que 800.000 sont des véhicules de société dont 200.000 qui ne peuvent effectuer que des trajets professionnels. Mais sur les 600.000 autres, combien servent vraiment pour le travail? Et combien au titre de rémunération de substitution? « On l’ignore », répond-on à la Febiac.

L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) a, elle, calculé que la subvention annuelle moyenne par véhicule s’élevait à 2.763 euros en Belgique. Au total, les voitures de société coûteraient près de 2 milliards de pertes en recettes fiscales par an et environ 1,5 milliard en manque à gagner pour la sécurité sociale. L’ardoise totale, comprenant leur coût social et environnemental, serait quatre fois supérieure au montant du subside fiscal. Au-delà de ces chiffres, contestés par certains, ce débat questionne la responsabilité du consommateur de bitume au volant d’une voiture de fonction, à qui un kilomètre parcouru de plus ne coûte rien.

Pour autant, le gouvernement fédéral ne lèvera pas le petit orteil. Bart De Wever, président de la N-VA, et son ministre des Finances, Johan Van Overtveldt, ont clairement fait savoir que le sujet était tabou. On peut comprendre: sur les 800.000 personnes profitant de l’aubaine à quatre roues, auxquelles s’ajoutent environ 300.000 indépendants, les Flamands sont très largement majoritaires (68%). « Les voitures de société arrangent tout le monde, sauf les générations futures, résume un économiste. Le système a de belles années devant lui, sauf si un gouvernement courageux programme une sortie progressive. » Mais qui prendra le risque politique de mécontenter une large frange de l’électorat?

Le dossier, infographies à l’appui, dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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