Joris Vandenbroucke et Karin Temmerman

Tax shift : « Affaiblir la solidarité revient à aggraver la pauvreté et la misère »

Joris Vandenbroucke et Karin Temmerman Chefs de fractions sp.a

« L’image de la sécurité sociale ‘hamac’ est une tentative cynique d’exciter les gens qui travaillent dur contre les demandeurs d’emploi et la sécurité sociale », écrivent les chefs de fraction sp.a Karin Temmerman en Joris Vandenbroucke.

Le jeu que joueront les gouvernements de droite les trois années à venir est très clair. C’est le suivant : imposez d’abord des impôts dont vous savez qu’ils ne rapporteront rien (comme la taxe de spéculation), constatez que les revenus ne suivent pas et coupez dans toutes les dépenses, les dépenses sociales bien entendu. Le démantèlement de la protection sociale commune, et le passage à un modèle néolibéral, voilà le noyau du programme de la coalition de partis de droite et d’organisations d’employeurs qui gèrent notre pays aujourd’hui.

« Pour moi, notre sécurité sociale est trop sûre et trop sociale », a déclaré le président de la Voka Hans Maertens samedi au quotidien De Tijd. S’il n’en tient qu’à lui, les économies et les hausses de facture ne constitueront qu’une première étape. Une note de bas de page, car « il faudra réformer en profondeur notre droit de travail, dont le droit de grève et notre sécurité sociale afin que notre État-providence survive les cinquante prochaines années », estime Maertens.

La conviction que notre sécurité sociale doit être réformée en profondeur (lisez : démantelée) est fondée sur le cliché qu’elle est trop généreuse et du coup impayable. Pour étayer cette idée, le Voka (tout comme la N-VA) utilise le cliché du hamac. « Nous avons besoin d’une sécurité sociale forte, mais elle ne peut être un hamac », déclare Maertens dans la même interview. Il est pourtant faux que les Belges peuvent percevoir une indemnité facilement et sans beaucoup de conditions – donc se coucher dans un hamac au frais de l’Etat – s’ils ne trouvent pas de travail. Depuis dix ans, le gouvernement fédéral mène une politique d’activation sévère qui soumet les demandeurs d’emploi à une série d’obligations et de contrôles. Le nombre d’allocations baisse systématiquement.

L’image du hamac ne correspond pas à la réalité. C’est une métaphore désobligeante pour beaucoup de gens qui en dépit de la malchance ou des revers font de leur mieux pour trouver du travail et rester actifs. C’est une tentative cynique d’exciter les gens qui travaillent dur contre les demandeurs d’emploi et la sécurité sociale. Et c’est surtout une façon de préparer la voie à un shift idéologique au sein du modèle socio-économique belge.

Depuis longtemps, la Belgique dispose d’un modèle qui concilie une économie forte avec une sécurité sociale solide pour laquelle les socialistes ont toujours oeuvré. Nous avons bien agi sur les plans économique et social. Ces dernières années, la croissance économique était plus élevée que la moyenne de l’UE, la protection sociale est une des meilleures d’Europe et les inégalités salariales figurent parmi les moins importantes d’Europe.

À présent, la coalition idéologique des partis de droite et des organisations d’employeurs veulent démanteler cette sécurité sociale : le saut d’index, l’âge de la pension plus élevé, les factures plus élevées pour les services publics tels que l’eau, le gaz et les transports en commun, la hausse de la TVA sur l’électricité de 15%… Et ce alors que le secteur diamantaire, par exemple, reçoit des cadeaux fiscaux. Il ne s’agit pas de hasards ou d’incidents. C’est le début d’un changement radical, d’un shift vers un modèle néolibéral.

Malgré l’enthousiasme affiché pour annoncer l’instauration de ce modèle, il a des conséquences pour notre population. Une partie de la population devra se débrouiller. Avec la nouvelle idéologie de la SA Belgique, les moyens alloués aux maisons de repos, à l’accueil des enfants, aux bus et trains, aux écoles et aux universités, aux demandeurs d’emploi et aux malades continueront à baisser. Tout ce qui aujourd’hui nous sécurise grâce à l’effort commun de tous sera démantelé. Les personnes qui éprouvent déjà des difficultés aujourd’hui, et celles qui mènent une vie tout juste confortable seront les premières victimes de ce shift.

Nous ne croyons pas que ce shift soit soutenu par une majorité de la population ou même par une majorité de PME

Affaiblir la solidarité revient à aggraver la pauvreté et la misère. Nous ne croyons pas que ce shift soit soutenu par une majorité de la population ou même par une majorité de PME. Nous ne croyons même pas qu’il soit soutenu par tous les partis du gouvernement. Mais entre-temps il a lieu.

Très vite, on verra les conséquences sociales. Et on ne pourra plus les nier.

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