Task force Syrie : la politique borgne

Alors qu’entre 50 et 80 jeunes Belges se trouvent aujourd’hui en Syrie aux côtés des rebelles qui combattent le régime du président Bachar Al-Assad, c’est ce lundi que se réunit pour la première fois la « Task Force Syrie », créée à l’initiative de la ministre de l’Intérieur Joëlle Milquet (CDH).

Cette plate-forme, qui comprend notamment des représentants de l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (OCAM), de la Sûreté de l’Etat, du SGRS (renseignements de l’armée), du parquet fédéral, du centre de crise, de la police, a pour objectif d’élaborer une stratégie pour empêcher que d’autres jeunes gens ne partent se battre en Syrie, et tenter de rapatrier ceux qui sont partis. Cela exigera notamment d’identifier certains réseaux salafistes et autres qui infiltrent nos mosquées, prisons et écoles.
Cette task force est paradoxale. Depuis le début, la politique belge, et plus largement européenne, est de mettre hors-jeu Bachar Al-Assad décrit comme un « sanguinaire » (le ministre français Laurent Fabius a même décrété qu' »il ne mériterait pas d’être sur terre »), et d’encourager coûte que coûte la rébellion malgré sa désunion et la présence en son sein d’éléments extrémistes. Certains, comme les eurodéputés Isabelle Durant (Ecolo) et Guy Verhofstadt (Open VLD), voudraient même qu’on envoie des armes aux opposants.

Comment dès lors expliquer à ces jeunes que ce qu’ils font est répréhensible ? Même le père Paolo dall’Oglio, fondateur du monastère de Mar Mousa près de Damas, et expulsé par le régime, a tenu récemment des propos positifs sur l' »idéal » de ces garçons. En outre, aucune loi ne les empêche de se battre à l’étranger, même s’il faudra déterminer s’ils ne se rendent pas coupables de complicités avec certains groupes terroristes présents sur le terrain. Fin 2012, les Etats-Unis ont ainsi placé le Front al-Nosra sur la liste des organisations terroristes, un pas que l’UE n’a pas encore franchi.

Autre paradoxe, on attend de voir les démarches que la Task force va entreprendre à l’égard de la Turquie, un des plus farouches adversaires de Bachar Al-Assad, et qui laisse donc passer les rebelles, leurs armes… et les jeunes Belges. L’aéroport d’Antakya (Antioche) est en effet le point d’arrivée principal de ces combattants venus de chez nous. C’est à partir de là qu’ils sont ensuite équipés et acheminés vers les zones de combats.
Mais comment faire pression sur la Turquie, qui est notre alliée dans l’Otan face au régime de Bachar Al-Assad ? Elle vient ainsi d’être équipée à sa frontière de missiles Patriot afin de parer une hypothétique attaque de l’aviation syrienne. En outre, la nécessité de ménager un certain électorat en Belgique risque de prendre le dessus. Il suffit de voir les réticences extrêmes du CDH et du PS pour rappeler à l’ordre Ankara sur la question toute simple de la liberté de la presse, fort mal en point en Turquie.

On le voit, traiter aujourd’hui d’une question aussi complexe que la Syrie, où les intervenants sont multiples, et les objectifs disparates, exige un minimum de cohérence pour être efficace. Ce qui est encore loin d’être le cas au niveau belge.

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