Syrie : faut-il armer les rebelles ?

Deux ans après le début du soulèvement en Syrie, qui s’est rapidement transformé en guerre civile, la question d’un approvisionnement en armes des rebelles revient sur le tapis. Le sinistre compteur des victimes (près de 80 000 ?) ne cessant de tourner, les partisans de cette « solution » estiment qu’il est temps d’arrêter le massacre, ne fût-ce qu’en augmentant l’aide « non létale », à savoir des équipements de protection et de défense antiaérienne.

Paris et Londres, qui avaient déjà été en pointe dans la guerre contre Kadhafi, voudraient même passer outre l’embargo européen. Mais à qui envoyer ces équipements ? Certains Européens redoutent qu’elles ne tombent aux mains de djihadistes, et estiment qu’il serait illogique de les encourager en Syrie tandis qu’on les combat au Mali. Un général syrien qui a fait défection est venu expliquer à Bruxelles qu’avec des armes en quantités suffisantes, « le régime s’effondrerait en un mois ». On a déjà vu les limites de tels pronostics, les rebelles ayant annoncé plus d’une fois le « combat final » pour prendre Alep ou Damas, qui restent entre les mains du régime.

En fait, les rebelles reçoivent déjà de l’armement, via la Turquie, et en provenance du Qatar, de l’Arabie saoudite et même de Croatie, avec la bénédiction des Américains. Un universitaire belge expliquait récemment que « les rebelles doivent se défendre contre un régime surarmé », et, dans le même raisonnement, qu' »ils occupent désormais 60% du territoire ». Les forces ne sont donc pas si déséquilibrées, même si les victimes se comptent majoritairement dans le camp de l’opposition du fait de la puissance de feu de l’aviation syrienne, qui massacre de manière indiscriminée.

Il est sans doute illusoire de penser qu’en équipant l’opposition, la guerre va s’arrêter alors que l’arsenal de l’armée loyaliste (fourni par la Russie et l’Iran) est loin d’être épuisé et que celle-ci reste toujours soudée. « Il n’y a pas de solution militaire qui pourrait déboucher sur une Syrie stable », estime le ministre suédois des Affaires étrangères Carl Bildt. Au contraire, elle pourrait plonger le pays, et pour longtemps, dans les abysses de la guerre confessionnelle, avec massacres à répétition pendant des décennies. L’Irak, où les Américains sont intervenus, en montre déjà le triste exemple.

Reste la solution politique. Un frémissement de dialogue semble aujourd’hui se dessiner entre l’opposition et le régime. Mais les clivages restent également importants : pour l’opposition (et les Occidentaux), le départ de Bachar Al Assad est un prérequis, ce qui bloque toute négociation, puisque le président syrien a déclaré qu’il resterait en place au moins jusqu’à l’année prochaine, date d’élections qu’il compte évidemment emporter haut la main. De leur côté, les Russes, s’en tenant à une légalité internationale qui leur convient bien, assènent depuis le début que seuls les Syriens doivent décider du sort de leur pays.

En attendant, la guerre continue, faute de vision commune. Trouver une solution à la crise ? « Impossible sans une bouteille de vodka », lançait récemment Vladimir Poutine à François Hollande. Une boutade qui ne fait pas vraiment avancer la réflexion.

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