Gérald Papy

Syrie : des indices, pas des preuves

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Face au scepticisme sur la justification d’une opération militaire contre Damas, Américains et Français s’attachent à convaincre de la pertinence de leur action. Démocratie gagnante ? Aux Etats-Unis, peut-être. Mais en Syrie…

Face au scepticisme voire à l’hostilité suscité par l’intention d’une coalition de frapper le régime syrien pour sa responsabilité présumée dans le massacre de civils à l’est de Damas le 21 août, les grandes puissances concernées se sont attachées depuis quelques jours à apporter les « preuves » qui convaincraient l’opinion publique et les responsables politiques réticents. Quels sont ces éléments nouveaux censés justifier une attaque ?

Avancés par les deux seuls Etats encore en lice, les Etats-Unis et la France, ils ont été observés en amont et en aval de l’attaque sur la région de la Ghouta :

– Préparation de munitions chimiques par des militaires syriens, trois jours avant l’attaque (source américaine).
– Détention par l’armée syrienne de 1 000 tonnes d’armes chimiques toxiques (source française).
– Images satellite montrant des tirs de roquettes et d’artillerie par l’armée syrienne sur la zone concernée aux mains de la rébellion (source américaine).
– Analyse des vidéos diffusées par la rébellion (sources américaine et française).
– Interception de communications au cours desquelles un gradé syrien s’inquiète de l’impact de l’attaque en raison de la présence d’inspecteurs de l’ONU (source américaine).
– Analyse d’échantillons récoltés sur les victimes démontrant la présence de gaz sarin (source américaine).

A ces indications techniques, Français et Américains ajoutent deux éléments de contexte : les précédents d’utilisation supposée de gaz toxiques par le régime syrien à Jobar le 12 avril et à Saraqeb le 29 avril 2013 et la conviction que la rébellion ne dispose pas de moyens suffisants pour mener une opération d’une telle ampleur. Conviction ou preuve ? Les Américains disent avoir acquis la « forte certitude » que le régime de Bachar al-Assad est derrière l’attaque du 21 août. Les Français arguent de « l’emploi massif et coordonné d’agents chimiques » pour en attribuer la responsabilité aux dirigeants syriens.

Outre que certains sont avancés sans être encore dévoilés publiquement, tous ces renseignements fournissent un faisceau d’indices de l’implication du régime syrien mais ne constituent pas encore une « preuve indéniable » de celle-ci. Alors que, par ailleurs, Damas, Moscou ou Téhéran ont encore moins étayé par des éléments concrets la thèse de l’implication des rebelles.
S’il ne tranchera pas nécessairement sur la paternité de l’attaque, le rapport, a priori indépendant, des inspecteurs de l’ONU pourrait étayer ou infirmer l’hypothèse défendue par les Etats-Unis et les Français. Il n’est cependant pas acquis que Washington et Paris attendront la publication de celui-ci pour « punir » Bachar al-Assad, selon leur terminologie.

Il reste que le meilleur démenti aux tenants de la grande manipulation américaine dans l’attaque du 21 août a été fourni par Barack Obama lui-même qui a accepté de se soumettre à un vote, pas acquis, du Congrès alors qu’il n’y était pas contraint. Clairement, on n’est plus à l’ère de George W. Bush et de son obstination va-t-en-guerre. Les Etats-Unis y ont sans doute perdu en projection de leur puissance. Mais ils y ont peut-être gagné en exercice de la démocratie.

Gérald Papy

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