Sûreté de l’Etat : halte au massacre

Un service secret est ce qui empêche qu’un Etat devienne policier. Les récentes attaques contre la Sûreté de l’Etat et son administrateur général ont de quoi inquiéter. Qui veut la peau de la Sûreté de l’Etat ?

Un service secret est ce qui empêche qu’un Etat devienne policier. Certes, les méthodes ne sont pas toujours reluisantes (fouiller dans la vie privée, jouer sur le piano de la cupidité, de l’esprit de vengeance et parfois, quand même, de l’altruisme des sources humaines…) mais le fruit de ce travail ne sort pas – sauf exception- au grand jour. Il n’est pas, non plus, communiqué à la justice, sauf lorsqu’il s’agit de déjouer des attentats ou de mettre la main sur des terroristes ou des espions. L’affaire des Cellules communistes combattantes (CCC) a été élucidée par la Sûreté de l’Etat, même si c’est la PJ (police judiciaire) qui a arrêté physiquement les auteurs. Sans diminuer les mérites de la police fédérale, aucun procès concernant des islamistes soupçonnés de terrorisme n’aurait pu avoir lieu sans les rapports de la Sûreté de l’Etat versés au dossier répressif.

Les services opérationnels de la SE recueillent des informations qui sont transformées en renseignements par les services d’analyse. Ceux-ci en évaluent la fiabilité, les objectivent, les contextualisent et les transmettent aux autorités compétentes si nécessaire. Sur quel thème ? Toute activité susceptible de constituer une menace pour la sûreté intérieure de l’Etat et les relations internationales, le potentiel scientifique ou économique ou tout autre intérêt de l’Etat. Qui va se plaindre que notre pays soit défendu avec intelligence ?

Il faut être un ancien adepte de la « police unique », comme le député fédéral Renaat Landuyt (SP-A), pour réclamer la suppression de la Sûreté de l’Etat et la création d’un méga-service de renseignement sous l’autorité du parquet fédéral, dont on connait la proximité avec le pouvoir exécutif. Il faut être l’ancien ministre de la Justice (Philippe Moureaux, PS) sous lequel s’est produite la désinformation de la Sûreté de l’Etat à l’égard de Benoît de Bonvoisin, dit le « baron noir », dont coût pour l’Etat belge de 100 000 euros, pour confier sans rire au Morgen: « Je n’ai jamais eu beaucoup de respect pour ces gens-là, qui travaillent le plus souvent sur base de rumeurs et qui se laissent aller à de petits jeux. » Heureusement, le sénateur Philippe Mahoux (PS), membre de la commission de suivi du Comité permanent de contrôle des services de renseignement (Comité R) a refusé de diaboliser la Sûreté de l’Etat.

Cette dernière est paradoxalement victime de la politique d’ouverture instaurée par son administrateur général, Alain Winants, tant à l’égard des médias que des autorités publiques ou privées: les entreprises et les universités qu’elle met en garde contre l’espionnage. En transmettant à un grand nombre de destinataires sa note secrète sur les activités d’ingérence non dirigée par un Etat, la Sûreté a certainement pris un risque car l’extrait publié détaillait le nom des personnalités approchées par l’Eglise de Scientologie ou la secte Sahaja Yoga. L’objet de la recherche n’était pas l’homme ou la femme politique. Winants a répété sur tous les tons qu’il ne passait pas au crible la gent politique mais bien les organisations sectaires nuisibles dont question. Il existe, du reste, un mécanisme qui permet au ministre de tutelle d’être informé quand un parlementaire est cité dans un rapport. A-t-il fonctionné ? En tout cas, le Comité R, qui détenait la note sur les sectes depuis plusieurs mois, n’a rien trouvé à y redire.

Qui veut la peau d’Alain Winants ? Qui veut la peau de la Sûreté de l’Etat ? Le premier a été un « homme stable et sérieux », selon l’expression d’Armand De Decker (MR), vétéran au Sénat des matières du renseignement. Son mandat terminé, il est candidat à sa propre succession mais on entend d’autres noms possible, comme celui de Cédric Visart de Bocarmé, ancien procureur général de Liège. La Sûreté elle-même ne manque pas d’adversaires, à commencer par les susmentionnés, Renaat Landuyt et Philippe Moureaux, mais ils sont aussi présents dans les rangs de la droite nationaliste flamande. La Sûreté de l’Etat est née avec l’Etat belge. Elle mourra sans doute avec lui.

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