Michel Delwiche

Suicide chez ArcelorMittal : coup de tonnerre dans le ciel bleu de Di Rupo

Michel Delwiche Journaliste

L’annonce du suicide d’un sidérurgiste liégeois vient perturber le « tout va bien » dont on veut nous persuader. Elio Di Rupo va expliquer à la Chambre les mérites de son gouvernement, puis n’oubliera pas au vestiaire l’écharpe des Diables rouges pour le match de ce soir.

La piqûre de rappel est violente. Le suicide d’un ouvrier d’ArcelorMittal, que l’on apprend ce matin, vient semer le désordre dans une campagne de com plus belgicaine que jamais, côté francophone en tout cas. Cet après-midi, le Premier ministre va monter à la tribune de la Chambre pour expliquer, dans sa déclaration politique de rentrée, que son gouvernement a surmonté un à un tous les obstacles. Qu’il est parvenu à boucler tous les budgets en épargnant des milliards et des milliards d’euros. Qu’il a taillé un nouveau costume à la Belgique fédérale en déplaçant vers les Régions le centre de gravité.

Non, tout ne va pas bien!

Mais à quel prix ? On n’accusera pas l’équipe Di Rupo d’avoir programmé la fermeture de la sidérurgie à Liège, à Charleroi ou à La Louvière, ni d’avoir opéré des coupes sombres dans l’emploi à Caterpillar, ou dans le verre en Basse-Sambre, ni d’avoir condamné Ford à Genk. Mais on peut se demander si elle a bien saisi la colère et le désespoir de ces dizaines de milliers de travailleurs plongés dans un avenir incertain, qu’on fait lanterner à coups de bonnes paroles, jusqu’au moment où le couperet tombe et où ils doivent bien avouer à leurs familles que désormais, c’est ceinture et chômage.

Est-ce qu’on donne un sens à l’avenir de ces personnes en célébrant une nouvelle belgitude, derrière Stromae, François Englert, Philippe et Mathilde, Vincent Kompany et les Diables rouges? Non, tout ne va pas bien, et les perspectives ne sont pas roses. Le chômage, toujours: selon la FGTB wallonne, la dégressivité des allocations va obliger 350.000 personnes à vivre sous le seuil de pauvreté, tandis que, au 1er janvier 2015, seront exclues du chômage 32.000 personnes (dont 25.000 Wallons) qui pourront se consoler à l’idée d’avoir contribué au sauvetage des finances publiques. Il faut tout de même entendre les chiffres. Comme ceux, révélés hier, de la pauvreté dans nos régions.

On ne sait pas, aujourd’hui, tout ce qui a poussé Alain Vigneron à mettre fin à ses jours. Peut-être s’était-il trop investi dans son métier, et la perspective d’assister impuissant au démantèlement de son outil, annoncé il y a tout juste deux ans, lui était-elle insupportable. Peut-être, à 45 ans, et après 31 ans d’une carrière commencée très jeune, ne pouvait-il admettre de voir son horizon se boucher. Peut-être estimait-il que sa dignité de travailleur était ébranlée, lui qui accuse, dans sa lettre d’adieu, « Monsieur Mittal » de lui avoir repris « la fierté, la politesse et le courage de me battre pour ma famille ».

C’est de l’espoir qu’il faut rendre à tous les camarades d’Alain. Et à nos gouvernements de la fierté et du courage.

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