Mark Eyskens, ex-ministre CVP sous Martens V. © BELGA IMAGE/Benoît Doppagne

Suédoise: et un peu de pouvoirs spéciaux avec ça?

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Frapper vite et fort en mettant le Parlement hors-jeu. C’était ce qu’avait décidé, il y a 33 ans, la coalition Martens-Gol, la dernière de centre-droit avant le gouvernement Michel. Celui-ci ne songe pas à emboîter le pas. Erreur, estime Mark Eyskens, ex-ministre CVP sous Martens V.

Les fondamentaux placent Michel Ier, première coalition fédérale de centre-droit depuis Martens V (1981), au pied du même mur: un budget à assainir, une Europe à satisfaire, une compétitivité des entreprises à choyer, des salaires à modérer, la remise au travail à doper. Et des pensions à réformer. Car le défi du vieillissement charge un peu plus la barque de la suédoise.

Martens-Gol n’avait reculé devant rien pour relever ses défis. Il avait obtenu des pouvoirs spéciaux, avec pour objectif avoué de « restaurer le cadre économique et financier indispensable pour endiguer le désinvestissement industriel et la destruction de l’emploi et rendre espoir à nos concitoyens ». Martens V avait ainsi mis hors-jeu le Parlement. Trois cents arrêtés de pouvoirs spéciaux adoptés, sous un régime d’exception démocratiquement douteux, mais techniquement efficace.

Certains n’ont pas oublié. Et ne regrettent rien. C’est le cas de Louis Michel, à l’époque président du PRL: « La Belgique était l’homme malade de l’Europe, confrontée à une situation économique et budgétaire catastrophique qui nous obligeait à agir dans l’urgence. » Et à assumer, avec un effet de surprise total, une dévaluation du franc belge.

Les négociateurs de la suédoise n’y auraient même pas songé. Pour Louis Michel, normal: « La majorité actuelle est bien plus cohérente que celle de 1981. Elle a la capacité politique de prendre des réformes réelles. » En se passant de la manière forte, façon pouvoirs spéciaux.

Mark Eyskens, ex-premier ministre CVP et titulaire des Affaires économiques sous Martens V, n’est pas convaincu par ce raisonnement: « La suédoise aurait dû se ménager la possibilité d’agir par pouvoirs spéciaux, en cas d’échec du dialogue social. Au lieu de cela, les mesures gouvernementales sont à prendre ou à laisser. » Dégainer pour passer en force en cas d’ébullition sociale serait à présent contre-indiqué: « Ce serait le pas de trop. » Le pont trop loin.

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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