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Stib: « Dans 10 ans, un métro toutes les 1 min 30 s »

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Ce dimanche sans voiture est une excellente occasion de faire le point sur le fonctionnement de la Stib, un an après l’arrivée de son nouveau patron. Agressions, incivilités, boom de la fréquentation, investissements colossaux… Pour Le Vif/L’Express, le très discret Brieuc de Meeûs sort de sa réserve.

Le patron de la Stib, Brieuc de Meeûs, habite Waterloo et emprunte tous les jours le réseau entre Delta et le siège de la Stib, près du Parc royal. Réservé et discret, le directeur général, 52 ans, n’a rien de commun avec son prédécesseur, le tonitruant Alain Flausch, qui s’était mis à dos les syndicats, les agents de la société et le gouvernement bruxellois. Lors de son entrée en fonction, en septembre 2012, de Meeûs a fait le tour des dépôts, rencontré le personnel, le management et réorganisé son staff. Un an plus tard, dans cet entretien exclusif, il nous dévoile sa vision de l’avenir des transports en commun à Bruxelles, confrontés à une forte hausse de la fréquentation, à l’insécurité et aux incivilités.

Le Vif/L’Express : L’an dernier, l’image de la Stib a été ternie par une succession de drames et d’incidents sur le réseau : piétons percutés par des trams, agents agressés, conflits sociaux… Estimez-vous avoir redoré le blason de la société ?

Brieuc de Meeûs : Des incidents, des mauvaises nouvelles, il y en aura toujours. Redorer le blason de la société fait partie du travail que j’ai entrepris. L’an dernier, avant mon arrivée à la Stib, des proches m’ont demandé pourquoi je souhaitais diriger une boîte pareille. Ils n’ont pas compris qu’elle est superintéressante par la diversité de ses activités, de ses métiers, des défis qu’elle rencontre. Sur nos 7 500 travailleurs, 3 000 font de la conduite, les autres sont électriciens, juristes, imprimeurs, économistes, peintres… Un cas de figure idéal pour un cours de formation en management !

Votre plus grosse inquiétude en tant que directeur général ?

La sécurité du personnel. L’agression mortelle contre un superviseur de la Stib, en avril 2012, a marqué les esprits. J’espère que cela ne se reproduira pas. Mais il y a encore trop d’agressions et d’incivilités sur le réseau. Des usagers qui accumulent des frustrations, qui râlent contre le gouvernement ou la ville se défoulent sur un conducteur de tram, de bus, de métro, symbole de l’autorité. C’est lui qui prend tout, les injures, les crachats…

Vous êtes tenu au courant de chaque incident ?

Oui, par un système de SMS. J’ai moi-même été confronté au manque de civisme et à l’irrespect des usagers début août, lors des trois jours au cours desquels j’ai pu conduire un tram. Un passant m’a fait un doigt d’honneur, estimant que j’aurais dû le laisser passer. Certains traitent les conducteurs de « vieux cons », leur lancent une canette, bloquent le tram… La première fois, on reste indifférent. Mais quand les insultes et les agressions se répètent, c’est le ras-le-bol !

Que faire, au-delà du renforcement de la surveillance ?

Combattre l’incivisme, encourager la politesse. Un ami me raconte qu’à Medellin, ex-fief des narcotrafiquants colombiens, les messages suivants sont diffusés dans le métro : « Regardez bien autour de vous. N’y aurait-il pas quelqu’un qui devrait s’asseoir à votre place ? » Ou encore : « Regardez autour de vous. C’est propre. Ne jetez pas vos déchets par terre. » Cela me donne des idées. Je veux diffuser ce type de messages dans notre métro.

A Madrid et ailleurs, les stations de métro sont propres et sans odeur. A Bruxelles, n’y a-t-il pas un effort à faire ?

Les usagers se plaignent souvent de l’état de stations comme Bourse ou De Brouckère, imprégnées d’odeurs d’urine, ou pire. Ces lieux ont été mal conçus, avec des coins et des recoins. Nous faisons un immense effort de nettoyage. Certaines stations sont lavées quatre fois par jour au Kärcher et avec tous les produits disponibles pour tuer les odeurs. Mais souvent, deux heures après, il faut tout recommencer, à cause des incivilités. Un boulot épouvantable !

L’état d’esprit a-t-il changé à la Stib depuis votre arrivée ?

Tout cela prend du temps. Il ne faut pas s’attendre à une révolution. Il faut surtout préparer l’entreprise à absorber une croissance de fréquentation de 6 à 8 % l’an et à réaliser les investissements colossaux prévus, soit 2,5 milliards d’euros en cinq ans.

Que faire face à la saturation de lignes de métro aux heures de pointe, qui peut susciter un dégoût des transports publics ?

Rien de fondamental avant dix ans, hélas ! Pour des raisons techniques, je ne peux mettre plus de rames dans le tube. Notre système de signalisation date du milieu des années 1970. Il faut attendre l’automatisation des lignes 1 et 5, qui permettra de doubler la capacité du réseau. Le cahier des charges pour l’achat des rames automatiques est prêt. Dans dix ans, il y aura un métro toutes les minutes 30 aux heures de pointe, au lieu des 2 minutes 30 actuelles. On sera tranquille pour un temps.

Pourquoi la Stib a-t-elle commandé 172 nouveaux bus diesel et pas des bus électriques ?

Le bus électrique, c’est l’avenir, mais l’industrie peine à mettre cette technologie au point. Nous avons testé récemment un bus électrique chinois, qui affichait 200 kilomètres d’autonomie. Il est tombé en panne au bout de 130 kilomètres, soit après une demi-journée de service ! Il faut alors l’immobiliser pour le recharger. Bruxelles, comme Rome, est une ville de collines, d’où une consommation d’énergie plus élevée qu’à New York ou Paris. En 2017, nous commanderons des bus à moteur hybride, une étape intermédiaire.

Les tarifs de la Stib ont augmenté de 3 % en 2013, de 7,5 % en deux ans. N’est-ce pas un frein au développement de la mobilité durable à Bruxelles ?

Faire fonctionner un bus, un tram, un métro a un coût. La gratuité totale, prônée par certains, coûterait 250 millions d’euros par an à la Région, qui fait déjà un effort gigantesque pour les transports en commun. Ce serait délirant. Actuellement, les montants affectés à la Stib représentent 20 % du budget régional. Aller au-delà signifierait raboter les moyens d’autres secteurs. En outre, ce qui n’a pas de prix n’a pas de valeur. Chaque usager doit contribuer aux services fournis.

Si vous aviez tous les pouvoirs et un budget illimité, que feriez-vous pour améliorer la qualité des transports en commun à Bruxelles ?

Je trouve que 85 % du programme idéal est déjà réalisé ou prévu. Mais tout ne dépend pas des budgets. Il faut aussi encourager un changement des mentalités. Les gens doivent comprendre que se déplacer dans Bruxelles avec sa grosse voiture, sans trouver où se garer, n’a plus aucun sens. Continuons à promouvoir les transports publics, créons plus de parkings en périphérie, coordonnons mieux les efforts entre acteurs de la mobilité… et changeons nos habitudes !

Entretien : Olivier Rogeau

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