Laurence Van Ruymbeke

Statut ouvriers-employés : un peu d’audace, s’il vous plait

Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Dommage. Quand on y repense, en arriver à la situation sociale actuelle, pourrie, c’est vraiment dommage. Car le dossier de l’uniformisation des statuts ouvrier et employé aurait pu et aurait dû être bouclé depuis des années.

Aujourd’hui qu’il n’y a plus de temps à perdre, puisque la Cour constitutionnelle a fixé au 7 juillet prochain la date à laquelle le problème devra avoir été résolu, chacun des partenaires sociaux monte sur ses ergots et montre les dents. Ce n’est pas le contexte idéal pour ouvrir sereinement un dialogue entre interlocuteurs sociaux, c’est peu dire. Mais la menace est réelle : si, d’ici à cette date, aucun compromis n’est trouvé, la Cour accordera à tous les ouvriers qui s’estimeraient discriminés les mêmes droits sociaux qu’aux employés. Frisson d’horreur, dans les rangs patronaux…

Les responsables politiques ne sont pas pour rien dans cet ultime bras de fer. Depuis des années, ils ont, à tour de rôle et tous partis confondus, préféré se détourner du problème, arguant qu’il revenait aux partenaires sociaux de s’entendre. Ce qui est vrai. Mais ils auraient pu les y inciter. Encadrer la réflexion. Prendre des initiatives, tout en respectant les prérogatives, très sensibles on le sait, des organisations patronales et syndicales. Cela n’a pas été fait. Fâcheux.

Mais, ce constat posé, les regrets sont stériles. Voilà désormais les employeurs, les syndicats et le gouvernement fédéral au pied du mur. Continuer, au fil des semaines, à s’envoyer à la tête des chiffres contradictoires et d’ailleurs aussitôt contestés, des menaces de paralysie de l’économie (coté employeurs) et des manifestations de tous poils (côté syndicats) ne sert la cause de personne. Certes, les uns et les autres sont coutumiers de ce type de musculation, juste avant la dernière ligne droite. Mais, par moment, le citoyen rêve d’autre chose.

D’idées neuves, par exemple. Les employeurs refusent d’élever le statut de l’ouvrier au niveau de celui des employés, en matière de préavis, entre autres, tandis que les syndicats refusent de grignoter les acquis des employés pour améliorer le sort des ouvriers ? Fort bien. Mais dresser les employés (soit quelque 70 % des travailleurs du privé si l’on intègre les ouvriers déjà passés sous convention d’employés) contre les ouvriers n’est pas une solution. Il faut sortir de cette opposition sans issue. Imaginer autre chose. Tout remettre à plat. S’inspirer de ce qui se fait ailleurs. Depuis des années, les Pays-Bas observent la Belgique et ricanent de sa curieuse différence de statut, qui relève, pour eux, de la préhistoire sociale. Rêver d’autre chose, ce n’est pas utopique. C’est possible, à condition que chacun abandonne ses positions dogmatiques pour se demander, concrètement, comment faire en sorte que chaque travailleur s’y retrouve, quitte à y perdre sur un plan, pour gagner sur un autre. A condition que les uns et les autres aient du cran. Et fassent fi, intelligemment, du jugement qui suivra, puisque jugement forcément il y aura.

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